Écrire, c’est réécrire

Écrire, c’est réécrire


Écriture   •   02 avril 2020

Lorsqu’on commence l’écriture, la question de la méthode tourne souvent à l’obsession. J’avoue que, comme tout le monde, j’ai d’abord pensé qu’il y avait une approche idéale permettant d’être efficace et direct dans l’écriture d’un roman.

J’ai donc fait le tour de question sur Internet et dans les livres. Les textes intéressants et les vidéos ne manquent pas. J’ai lu l’excellent Écriture de Stephen King, évidemment, mais aussi des ouvrages moins connu, mais tout aussi intéressant, comme l’Atelier d’Écriture de Bruno Tessarech. J’ai aussi prévu de lire Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, de Haruki Murakami.

Durant mes recherches, je suis tombé sur une interview de Bernard Werber qui partage des informations étonnantes sur son process d’écriture. Bernard Werber réécrit son roman. Entièrement. Plusieurs fois. Il repart à chaque fois de zéro, sans utiliser les précédentes versions de son texte. Le principe est de laisser son inconscient faire le tri entre les bonnes et les mauvaises idées, pour faire petit à petit émerger la structure, l’intrigue et les personnages. Son premier roman, Les fourmis, est un cas extrême: il l’a réécrit 120 fois sur une période de 12 ans. Aujourd’hui, il produit généralement 9 versions différentes d’un roman, avant de considérer son œuvre comme achevée.

À ce titre, Bernard Werber est d’accord avec Pierre Lemaitre : Écrire, c’est réécrire. Pourtant, il existe plusieurs manières de s’approprier cette phase de réécriture. Chacun aborde l’écriture à sa façon. L’écriture dépend de sa manière de penser et d’organiser le flow d’idées que le cerveau nous envoie. Pour moi, réécrire, ce n’est pas repartir d’une feuille blanche à chaque étape.

Avec mon histoire et la manière dont j’ai conditionné mon cerveau, j’ai plutôt une approche de l’écriture qui ressemble à la programmation. Je programme depuis l’âge de 9 ans et mon cerveau est câblé pour cette démarche.

Ma technique serait donc plutôt itérative. Je commence par le squelette. La première preuve de concept minimaliste, qui prouve que l’histoire peut fonctionner. Je garde en tête les postulats, les raccourcis, toutes les idées qui ne sont pas encore intégrées, mais pourraient enrichir l’histoire. Mon premier jet est un peu comme un premier morceau de code, qui ne marche que dans un cadre précis. Cette première version a des faiblesses, pour le code comme pour le texte, mais cela permet de l’utiliser et de comprendre la valeur que pourra avoir la version finale.

Évidemment, le programme, comme l’histoire, n’est pas à ce stade exploitable par un utilisateur ou un lecteur. S’il s’agissait d’un jeu, les personnages seraient juste des cubes ou des sphères, etc. Le premier jet sert à tester la mécanique de base, à voir si le jeu peut être amusant, ou voir si l’histoire peut tenir la route.

Ensuite, je refactore, comme on dit en programmation, c’est-à-dire que j’itère sur le code. Cela signifie que je l’améliore par petites touches, en corrigeant faiblesse par faiblesse. J’itère de la même manière sur le texte. Je corrige un à un les problèmes que j’ai identifiés. Je donne de la chair aux décors, personnages, etc., mais en ne développant que ce qui est uniquement nécessaire pour le programme, ou l’histoire, à un moment donné.

C’est ce que l’on appelle en programmation la « méthode agile ». Ajouter juste ce qui est nécessaire pour passer à la prochaine étape. Cela évite de passer du temps à construire des fonctions qui ne seront jamais utilisées.

Le refactoring sert aussi à clarifier le code, rendre sa logique apparente, à le rendre plus compact, plus digeste, plus compréhensible.

Toutes ces techniques applicables au code sont transposables très directement au processus d’écriture, à tel point que le parallèle entre la programmation et l’écriture semble presque évident. Les deux sont des modes d’expression qui consiste à structure sa pensée en utilisant le langage.

Dans les deux processus créatifs, l’approche itérative, de prototypage est finalement celle qui me convient le mieux, un peu à la façon du sculpteur qui travaille la matière pour l'enrichir progressivement de détails

Et vous ? Quelle est votre approche de l’écriture ? Êtes-vous plutôt itératif ou avez-vous plutôt tendance à repartir d'une page blanche ?