La boîte

La boîte


Écriture   •   01 mai 2020

Vous le savez, je me passionne pour le processus créatif. Dans mon cinquième flow, je vous parlais de Steven Pressfield, romancier américain, mais également auteur de livres sur la créativité.

Dans son livre, Turning Pro, il cite Patricia Ryan Madson et son livre Improv Wisdom. Et en effet, le positionnement de l’auteure est pertinent pour aider l’écrivain. Son fil conducteur est simple : Comment le théâtre, en particulier le théâtre d’improvisation, peut-il nous aider à créer et même finalement à mieux vivre.

Nous avons tous des désirs. Dans notre grande rationalité, pour les réaliser nous les déclinons en objectifs, en imaginant un plan à suivre. Nous nous comportons ensuite comme des acteurs sur une scène, nous donnons corps à ce plan, notre script.

Contrairement à une pièce de théâtre, dans la vie chacun joue son propre texte. Ces plans entrent en concurrence ou, au moins, en dissonance. L’harmonie n’émerge pas naturellement.

Le théâtre d’improvisation offre un cadre plus souple et cherche par nature à réconcilier les intentions. C’est un formidable laboratoire pour apprendre à vivre, à s’adapter, à chercher l’équilibre. Dans un match d’improvisation, chaque acteur — ou chaque équipe — se voit proposé un but. Chacun doit ensuite écouter l’autre pour adapter en permanence son plan, son script, son idée à l’évolution de la situation, en se rapprochant de son intention.

S’inspirant de l’improvisation, Patricia Ryan Madson décrit une technique riche pour apprendre à lâcher prise et recevoir ce que le monde, ce que les muses nous envoient. Voici l'exercice. Imaginez une boite. Visualisez-la, sa taille, sa forme, sa couleur, le ruban qui l’entoure. À l’intérieur se trouve un cadeau. Ouvrez cette boite. Qu’y trouvez-vous ? Est-ce que cela vous a surpris ? Est-ce que vous vous êtes senti obligé de tricher, en pensant à l’avance à ce qu’il y avait dans la boite ?

La réalité est qu’il y a toujours quelque chose dans le coffret, que nous fassions l’effort d’y mettre quelque chose ou pas. C’est l’essence même du processus créatif. Pour l’acteur qui improvise, pour l’auteur, le musicien ou le peintre, il n’y a pas de bon ou de mauvais cadeau dans cette boite. Ils ne sont pas maîtres de ce que les muses y mettent., mais ils y trouvent une source d’inspiration, une matière à accueillir, un point de départ. C’est la quête même de l’artiste : comprendre pourquoi ce cadeau nous a été offert et y donner du sens. Pour être sincère, il ne faut pas tricher, ne pas forcer le résultat en emballant son propre objet.

Une chose est sûre, la création repose sur la croyance qu’il n’y a pas de mauvais présent, que les muses ne peuvent nous trahir. Elles nous donnent toujours ce dont nous avons besoin. Créer c’est faire ce saut de foi. C’est ouvrir cette boite, regarder ce qui s’y trouve, y donner son propre sens. Ce que l’on y trouve nous confronte souvent à nos démons, mais c’est en acceptant le défi que l’on écrira nos meilleurs textes, que l’on créera nos meilleures œuvres.

Cette semaine pour moi, la boite contenait une histoire de poils, une plage, un coucher de soleil, un dialogue intérieur entre nos organes face aux émotions qui nous traversent, et bien d’autres petits objets symboliques. L’utiliser comme matière pour mes textes m’a parfois déconcerté, terrorisé, mais au bout du chemin, le résultat était inattendu. Un merveilleux cadeau.

Alors, n’ayez pas peur, ouvrez la boite et laissez-vous guider.