Alors, comment se passe votre week-end ?
La routine du confinement s’installe et comme beaucoup, je constate que jusqu’ici tout va bien. J’apprends progressivement à voir le positif de la situation, ou plus exactement, je me conditionne à en voir les bénéfices. Je vois beaucoup plus mes enfants. Nous discutons longuement. Paradoxalement, je vois plus certains amis qu’avant dans les fameux apéros visio-conf.
Comme beaucoup aussi, je me réjouis de constater que le monde peut changer du jour au lendemain. En 2-3 semaines, la terre respire. La machine économique qui tournait à plein régime, tel un ogre voué à dévorer le monde, s’est arrêtée. Et là encore, jusqu’ici tout va bien.
Une partie du monde se félicite : « Le changement est possible. Il est là à portée de main et la situation de confinement le démontre. » Le potentiel existe, mais est-ce que tout est vraiment si simple ?
J’ai le sentiment que quelque chose sonne faux dans ce chant repris en cœur, célébrant le changement en marche et l’émergence d’une société nouvelle. Qu’est-ce qui me gêne dans cette situation ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’enseignements positifs à tirer, mais je crains que cette vision idyllique ne repose, hélas, que sur une illusion.
Tout va bien, mais c’est le cas, car dans l’ombre des personnes s’affairent. Des femmes, des hommes font en sorte que tout continue de fonctionner du mieux possible. En silence, des médecins, des infirmiers soignent. Des enseignants maintiennent un contact avec des élèves parfois en difficulté dans leur famille. La grande distribution et les transporteurs remplissent nos frigidaires. Les agriculteurs sèment, récoltent, s’occupent des bêtes. Les éboueurs ramassent nos déchets. Et en télétravail, beaucoup se démènent pour faire vivre leur société, faire tourner les services informatiques, s’assurer que les banques fonctionnent, que chacun trouve sa paie versée sur son compte. Notre système repose sur des personnes dévouées qui tiennent leur place, assument leur rôle.
L’illusion repose donc pour le moment sur ces acteurs qui font tourner la machine dans l’ombre.
Alors je suis partagé. Je veux profiter, mais sans croire que ce changement sera si facile, car le mirage va se dissiper. Il faudra ensuite réellement reconstruire. Pas simplement se féliciter du résultat. Pas feindre de croire qu’une partie du monde, celle qui pense qu’on peut vivre mieux, avec plus de spiritualité, a gagné la partie. Croire que la démonstration serait faite et qu’il ne resterait qu’à convaincre chacun de lâcher prise. Il faudra surtout reconstruire, donc, rebâtir un tissu économique sur de nouvelles bases, reconstruire un tissu social, au-delà de notre cercle proche sur lequel nous nous sommes resserrés. Trouver le vrai sens de la solidarité.
Ce discours de changement de paradigme, je le comprends et j’y adhère, mais je ne peux pas le porter sans réserve, car je me sens privilégié. Chef d’entreprise, je suis un de ceux pour qui se changement attendu sera peut être difficile, mais certainement infiniment plus facile que pour une grande majorité.
J’entends certains se réjouir des nouvelles demandes qui arrivent soudainement sur leur boîte de communication « responsable », leur portefeuille de valeurs éthiques ou les sociétés d’informatique facilitant le télétravail ou le push d’informations. Chacun y voit des raisons de se féliciter d’avoir eu raison avant les autres. Pour moi c’est là que se situe le piège. C’est un ferment de division, c’est créer une nouvelle fracture entre un ancien et un nouveau monde, une rupture qui porte les ingrédients d’un violent retour de bâton.
Alors, oui, des opportunités s’ouvrent, mais avant de penser à les saisir il faut avant tout être solidaires pour ne pas recréer un monde inégal, avec des gagnants, certes, mais également avec beaucoup de perdants.
Se réjouir de nos perspectives aujourd’hui c’est crier victoire trop tôt. Tout reste à faire, tout reste à construire, tout reste à prouver. Il y aura de la joie, du bonheur, j’en suis certain, mais aussi de la sueur, et certainement des larmes. Pour sortir grandi de cette épreuve, il faudra regarder le monde avec lucidité pour rebâtir sur de saines fondations.
La dose de flow
Sur mon blog
Je parle cette semaine de mon approche de l’écriture. Je construis finalement un texte comme je conçois un programme, en itérant du prototype au produit final : Écrire, c’est réécrire.
Inspiration
C’est un challenge quotidien que de se motiver dans la période actuelle. On commence la journée parfois plein d’énergie, puis la réalité nous rattrape et on croule sous les petites tâches à faire.
Plus que jamais, les conseils de Cal Newport sont précieux. Dans son dernier blog post, On Productivity — Part 3, il rappelle ses piliers :
- Faire moins de choses
- Les faire mieux
- Bien comprendre pourquoi on fait ces choses-là précisément.
Voilà trois principes auxquels se raccrocher pendant cette période où la concentration est parfois difficile et les objectifs que nous nous fixons sont souvent démesurés.
Musique
Je vous recommande les adaptations brillantes de morceaux pop et rock de Soren Madsen, à la guitare classique. Mon choix aujourd’hui parmi ses nombreuses reprises excellentes : Hotel California. You can check-out any time you like, But you can never leave! Un peu comme notre appart, en ce moment.
À suivre
Nous vivons une situation exceptionnelle. Chacun s’accroche à ses modèles, sa vision, ses espoirs. Et pourtant, c’est dans le doute que nous progressons. À ce titre, c’est certainement une des périodes les plus fertiles de notre vie. Aujourd’hui, seuls les fous peuvent camper sur leurs certitudes.
Alors, profitons au moins de cette période où tout le monde est en droit, et même en devoir de douter, pour nous réinventer. En ce moment, c’est permis et même bienvenu !
Je vous souhaite un lumineux week-end !
— mikl 🙏
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Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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