Alors, comment se passe votre week-end ?
Je continue à explorer mes limites dans l’écriture au travers d’un podcast collectif. Cette semaine, je devais plancher sur le thème « Votre premier poil ». Vent de panique. Après sept versions, voici le résultat de mon exploration.
Le message était arrivé dans sa boite mail : « Tiens, je sais que tu es un peu perché, ça peut t’intéresser », avait précisé son ami. En effet, le profil du gars était intéressant : « Chaman à la française ». Son programme était flou, mais alléchant : « Libérer votre instinct sauvage ».
Quinze jours après, comme d’autres partent pour l’Amazonie, Alex avait rejoint l’homme, en Lozère. Il avait dormi dans sa cabane près du lac. Il avait regardé le sorcier préparer son sortilège et avalé ses immondes breuvages. Il s’était laissé saigner, acceptant la douleur comme un rite de passage, pour une « expérience transformatrice ». Il avait enduré tout cela pour aboutir à cette révélation solitaire.
Seul au bord du lac, la nuit d’été l’enveloppait. Il était nu, mais il n’avait pas froid. Patience. Alex jetait des petits cailloux sur le passage des chauves-souris. Une pierre croisait leur radar. Elles plongeaient pour attraper un insecte, remontaient bredouilles. Il jouait avec un des rares mammifères volants. À poil, donc.
Le vent, le bruit des feuilles, l’odeur de l’herbe. Alex caressait son avant-bras. Il aimait pincer ses poils entre ses phalanges, les soulever, les ébouriffer. Ce n’était pas pour impressionner un assaillant, comme le chat acculé qui crache, hérisse son dos et gonfle sa queue. Non, Alex recherchait juste une sensation agréable, à lui donner la chair de poule. Comme un enfant passe son doudou sur sa joue. Un contact régressif avec le pelage. Lui revient la sensation de plonger ses doigts dans la chevelure de sa bien-aimée, dans une fusion charnelle. Un contact primitif. L’Origine du Monde.
Sa pensée vagabonde l’avait maintenant conduit dans la petite salle sombre du Musée d’Orsay, qui abritait le tableau de Gustave Courbet. Une beauté brute, sans visage, dans laquelle il voyait l’amour de sa vie. En fermant les yeux, il ressentait cette langoureuse caresse, s’attardant le long de ses seins, pour finalement se perdre dans sa toison. Vestige d’animalité.
Il frissonnait maintenant. La nuit était bien avancée. La couche nuageuse était devenue un mince voile qui se dissiperait d’ici quelques instants. La pleine lune serait son maître.
Il sentait l’humanité se recroqueviller au fond de lui. La bestialité l’envahissait. Le feu montait de ses tripes. Les os de son crâne se déformaient, souples comme du cartilage. Sa peau le brulait, comme écorché. Les premiers poils s’allongeaient à vue d’œil, le couvrant d’une dense fourrure de crin noir. Ses crocs perçaient sous ses babines, ses griffes s’enfonçaient dans le sol. Alex n’était plus qu’un spectateur, blotti dans un recoin de son inconscient. Dans la lumière de la lune, il hurla. À la mort. À la vie.
Le lycanthrope galopait vers la forêt. Cette nuit serait son royaume.
➡️ Écouter ce texte dans le podcast “Votre premier poil”
La dose de flow
Sur mon blog
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Inspiration
J’arrive un peu après la série d’hommages à Christophe, mais j’ai découvert cette semaine l’enregistrement des mots bleus par Axel Bauer. Sa voix ne remplacera pas pour moi la sonorité de la version de Bashung, mais la sincérité de l’interprétation et surtout la magie de son solo de guitare en font un morceau envoutant :
Lecture
Je suis plongé dans la lecture d’Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. C’est un bouquin fascinant, aux multiples facettes, dur et attachant.
Il s’ouvre sur une scène d’action haletante et maitrisée sur la fin de la Première Guerre mondiale. Cette scène transcende la vision des tranchées telle que dépeinte dans le film plan séquence du film 1917 de Sam Mendes.
À suivre
J’enchaîne toujours les challenges en écriture en passant par différents stades, de la panique à la fulgurance. Je n’aime pas le résultat, je jette, je reprends, je touille, je triture. Le doute fait partie intégrante du processus.
Au bout du chemin, quel plaisir de se battre avec les mots, bleus ou pas, avec soi-même, ses peurs, ses errements.
J’apprends à garder confiance, je m’accroche à la certitude que j’ai déjà la solution en moi, mais qu’il faut plonger plus profond pour la trouver. Descendre toujours un peu plus loin.
Merci infiniment pour vos retours et merveilleux week-end !
— mikl 🙏
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Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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