Reprends ton souffle

Reprends ton souffle


Écriture   •   05 juin 2020

En parallèle de mes travaux d’écriture au long cours, je continue à participer à des ateliers. Récemment, nous avons joué avec le rythme des phrases.

Les ruptures de rythme dans un texte utilisent généralement les phrases courtes pour donner un sentiment d’accélération, en particulier, dans les scènes d’action. À l’opposé du spectre, une autre cadence peut s’imposer grâce aux phrases longues. La phrase courte est presque instinctive ; la phrase longue est une technique qui doit être travaillée spécifiquement.

Marcel Proust est l’auteur le plus connu pour ses phrases sans fin. La plus longue phrase dans son œuvre fait plus de 800 mots.

Utilisée avec parcimonie, cette technique est intéressante. Elle permet de jouer avec le souffle du lecteur, en le conduisant à retenir sa respiration. Proust était asthmatique. Peut-être cette technique est-elle un moyen de partager sa condition avec ses lecteurs ?

La phrase longue permet également de relier des idées, de créer un fil, une suite logique. Difficile de s’échapper d’un raisonnement, lorsqu’on ne prend pas de pause pour respirer et réfléchir. Les deux actions semblent intimement liées.

J’ai utilisé cette technique dans la micronouvelle suivante, composée d’une seule phrase :

Devant lui se tenait sa nouvelle vie, dès ce petit sentier, sur le chemin qu’il allait emprunter, le début de sa fuite, piste de terre, modeste d’apparence, tremplin vers de nouveaux horizons qu’il devinait déjà derrière la colline, juste après le champ, plus loin certainement, ce qu’il avait attendu si longtemps ne pouvait pas être si proche, au-delà d’une autre colline, d’une rivière, d’une sente secrète perdue dans la vallée, seule connue des patriarches du village, avant l’inexploré au hameau suivant, découvert par sa seule intuition, guidé par ses pas jusqu’à une ville, qui l’accueillerait, lui donnerait sa chance, un boulot, un avenir, un amour, le vrai, celui qui fait marcher les hommes, il y était prêt, il sentait l’appel mais il craignait déjà la foule, l’anonymat, submergé par la nostalgie du village, de ses fermes et forêts, de ses compagnons et parents, de ses espoirs et illusions.

En espérant que cet exemple vous donne envie de jouer avec la longueur de vos phrases.