Alors, comment se passe votre week-end ?
L’été est là. Nous ne l’avons pas vu venir celui-là. Notre attention a été volée par la crise épidémique. Pourtant, la température monte, on se retrouve déjà à ralentir, à devoir penser aux vacances alors que l’activité vient à peine de reprendre.
Le confinement était propice à la réflexion. On s’est surpris à prendre du recul, à réfléchir pour éviter de vivre dans un monde en noir et blanc, sans nuance. Nous avons redécouvert le doute. C’est maintenant notre force. Notre capacité à se remettre en cause, à adopter un autre point de vue est critique, dans le processus créatif comme dans la vie quotidienne.
Pour garder la main, j’ai découvert un exercice fascinant et très ludique. Il consiste à écrire un court texte en adoptant un point de vue inhabituel, voire carrément inconfortable. Je ne parle pas ici de l’approche cérébrale et mécanique des concours d’éloquence, dans lesquels on doit souvent se faire l’avocat du diable. Ici, je propose, au travers d’une histoire, d’écrire les louanges d’une personne, d’une chose ou d’un lieu que l’on n’aime pas du tout.
Voici le résultat de ma tentative :
Le silence est un objet fascinant. Absence, manque, sa consistance est vaporeuse et pesante. Quelques secondes passées dans l’ascenseur avec un étranger paraissent interminables. Quête sans fin d’une posture dans l’espace exigu. Donner l’illusion de l’assurance pour cacher sa détresse intérieure. Cette résonnance du vide met Alex en panique. La plupart du temps, il se retourne promptement après être entré dans l’ascenseur et regarde bêtement la porte qui se referme. Mais, la maladresse et la fuite le culpabilisent. D’autres fois, il fait face à l’autre passager. Il est encombré par ses mains. Où poser son regard ? Sourire ou feindre l’indifférence ? Et finalement que dire ? Il se contente alors d’un petit « bjour » à peine audible. Dans ce bref moment d’inconfort, toutes ces microdécisions le dépassent. Autant que possible, il emprunte les escaliers.
Même avec des amis, l’irruption soudaine du silence le panique. Durant ces moments, inévitables, où la conversation retombe, il est de ceux qui relancent la conversation par une phrase guillerette, hors de propos, dont le ton faussement enjoué ne réussit qu’à souligner les instants de vide qui suivent. Les visages se figent, les regards se détournent, le temps s’arrête.
C’est dans les boîtes de nuit, espace de protection anonyme, qu’il trouve son réconfort. Les conventions sociales s’évaporent dans le bruit. Parler n’est plus une nécessité, mais une impossibilité. Voix étouffées dans le bourdonnement des basses. Bribes de phrases hurlées à l’oreille de son vis-à-vis. Sourire, têtes qui s’avancent pour placer sa bouche à quelques centimètres de ses cheveux. La tête penchée, elle tente de capter ces quelques mots sans importance. Elle n’a rien entendu, mais redresse la tête, jette un regard complice et sourit en retour. Premiers moments d’intimité.
La salle est sombre. Des rubans de lumière s’agitent, tournoient, électrisent, hypnotisent. Le temps s’écoule différemment. L’esprit s’est retiré. La foule devient un corps fluide. Dans ce monde vibratoire, seule sa façon d’onduler le définit. D’abord, les gestes sont saccadés. Dans le battement régulier du son, l’alcool et la fatigue distordent le temps. Il n’est pas déjà, pas encore, dans un état second, mais il lâche enfin prise. Amplifié par la musique, le silence l’avale dans le vacarme assourdissant. Il peut enfin le savourer. Même la fille qui lui souriait s’est évanouie sur cette piste dense. Il est attentif au rythme. Les mains s’avancent, reculent à chaque claquement de basse. Trop mécanique, il introduit une souple variation. Il rate un, deux temps, se recale. Personne ne le remarque. Les esprits sont absorbés par le souffle et le mouvement. Il ne sait plus combien il est, seul dans la multitude. Il tourne la tête, agite ses cheveux, lève les yeux au ciel, sourit aux anges. Il est transpirant, un peu répugnant, mais les spotlights colorés font briller son corps.
Il remarque à nouveau la fille au joli regard. Elle l’a rejoint. Instinctivement, ils évoluent en rythme, sans grâce, mais en harmonie. Face à face, ils sont deux points qui suffisent à former un cercle. Impossible de se détacher, l’un tournoie, l’autre pivote, chaque impulsion répond à un geste de l’autre. Action, réaction, physique des corps. Le morceau se termine. Le DJ enchaîne sans finesse avec un autre tube. À bout de souffle, ils rient. Joue contre joue, ils se prennent dans les bras, pour la première fois.
La dose de flow
Sur mon blog
J’ai publié cette semaine, une petite réflexion sur le rôle du désir et de la peur dans le processus créatif :
➡️ Vertige
Podcast
J’ai beaucoup apprécié cette interview de Kyan Khojandi dans le podcast « Les gens qui doutent ». Je ne connais pas bien la série Bref et ses spectacles, mais j’aime la manière dont il parle avec humilité et simplicité de son métier, de création, de succès et de remise en cause.
🎧 Kyan Khojandi : “On a besoin d’intelligence”
Musique
Je présentais la semaine dernière, une reprise de Metallica par Rodrigo et Gabriela. Malgré la tendance qu’on leur connaît à aller vers des guitares saturées bien grasses, Metallica eux-mêmes verse aussi parfois dans l’acoustique. Ils ont récemment publié un album live intimiste : Helping Hands : Live & acoustic at the Masonic. Turn the Page, mon morceau favori, est une reprise du morceau de Bob Seger. Enjoy !
À suivre
Phobies, peurs, détestation. Ce sont des thèmes que j’ai continué à explorer cette semaine, au travers d’un atelier sur l’écriture de textes fantastiques. C’est un exercice étonnant. Écrire un texte d’horreur et d’angoisse. Jouer avec nos propres phobies et réfléchir sur les distorsions étranges que nous pouvons faire subir à la réalité.
Je déteste les films d’horreur, gore, angoissants. Pourtant, j’ai trouvé la démarche extrêmement enrichissante, pour justement jouer avec ses peurs, jusqu’à prendre plaisir à les affronter. C’est grisant de lâcher prise et d’écriture des textes qui jouent avec les représentations sur monde et les exorcisent (haha) en jouant avec la frontière des tabous et des codes sociaux.
Je partagerais vraisemblablement certaines de mes expérimentations dans un de mes prochains flow… Si cela ne vous effraie pas trop 😈
Je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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