Alors, comment se passe votre week-end ?
Pour moi, mon planning oscille régulièrement entre lecture et écriture.
Avec en plus un challenge côté écriture : Mon texte de la semaine dernière a suscité des attentes. Je ne pensais pas partager une suite aujourd’hui, mais j’ai relevé le défi de l’écriture par épisode. J’avoue même que j’y prends plaisir. Le goût du feuilleton, pour les auteurs comme pour les lecteurs, est intemporel.
L’épisode 1 est disponible dans le Flow #26. Pour mémoire, le narrateur est invité par Mark, son patron, à une soirée surprenante dans la Silicon Valley.
Samedi 31 octobre 2015 — Suite de la soirée
À ce moment-là, je ne savais pas si je devais éclater de rire ou m’enfuir. Toute cette mise en scène ressemblait à un canular, à une soirée jeu de rôle grandeur nature. Je m’attendais à voir débarquer un grand type tout pâle avec un costume ajusté et un col en cornet de frites derrière la tête.
Et pourtant, j’étais là parmi l’élite de la Silicon Valley. Tout m’avait l’air bien réel.
Je tentais de détendre l’atmosphère en souriant :
— Je ne voudrais pas vous manquer de respect, lui dis-je, mais j’ai l’impression de vivre une soirée un peu… inhabituelle. Ça peut vous paraitre bizarre, mais je m’attends à voir arriver le comte à tout moment.
Je choisissais de rester elliptique.
Elle me fusilla du regard d’un air sévère. Je sentis un soudain vertige.
— Il va être très fâché, me dit-elle.
Silent pesant.
Elle éclata alors de rire.
— Il y a bien longtemps que nous avons fait sécession avec nos franges les plus extrêmes, poursuivit-elle. Nous avons rompu avec les traditions les plus barbares, même si, comme vous le voyez ce soir, on aime garder un certain folklore pour accueillir les nouveaux venus.
J’avais besoin de comprendre.
— C’est quoi toute cette histoire de tests sanguins ?
— Cela fait partie d’une certaine culture et ça permet d’aider Élizabeth à valider sa technologie, me répondit-elle. Le sang reste un bien précieux et une carte d’identité profonde, qui va au-delà de ce qui s’affiche ici.
Elle désignait à nouveau mon badge.
J’étais un peu crispé, toujours dubitatif.
Elle finit par me prendre la main et me lancer en riant :
— Allez, détends-toi et suis-moi. Je vais te présenter. On ne va pas te mordre.
J’avais rencontré du beau monde ce soir-là. Tous ceux qui comptaient dans la Silicon Valley étaient là. Clara me guidait parmi eux, comme un enfant. Face à leur charisme, je restais fasciné et silencieux, m’exprimant essentiellement par des mots simples. « Impressionant », « Merveilleux », « Votre sixième investissement ? »
Je voulais ingérer, assimiler tout ce que je pouvais, tirer des leçons, comprendre les business models, pour peut-être un jour acquérir cette assurance que seul l’argent vous confère.
Au moment de se quitter, Clara me tendit sa carte de visite.
— J’ai vu avec Mark, me confia-t-elle. Viens me voir lundi au bureau. Je t’expliquerai ce que l’on fait.
J’allais lui répondre, mais elle m’empêcha de balbutier une nouvelle banalité.
— Tu n’as sûrement pas encore bien réalisé, mais tu es déjà l’un des nôtres. Autant passer pour découvrir ce que j’attends de toi.
Dimanche 1er novembre 2015
Quelle gueule de bois !
Je me suis réveillé chez moi, sans savoir si j’avais rêvé la soirée de la veille. Sur la table de chevet, la carte de visite de Clara Vincenti me rappelait mon rendez-vous de lundi.
J’avais besoin de prendre mon temps et deux cachets d’aspirine. Je me préparais également un litre de café avant de m’asseoir face à mon ordinateur par réflexe, sans plan établi.
Je ne savais que faire des sentiments contradictoires qui m’envahissaient. Où mettais-je réellement les pieds ? Est-ce que cela m’importait finalement ? Je continuais à étendre mon réseau de connaissance, mon implantation dans la Silicon Valley. D’une certaine manière tout ce passait à merveille.
Mes doigts s’agitaient sur le clavier. Machinalement, j’exécutais une recherche sur « Clara Vincenti ».
Les premiers articles mentionnaient la création de son fonds d’investissement DML, « Data Means Life ». Elle avait bien sûr des participations dans la société de Mark et celle d’Élizabeth. Les autres entités ne me disaient pas grand-chose, mais je reconnaissais les photos de leurs fondateurs. J’en avais croisé plusieurs à la soirée.
Mes recherches s’essoufflèrent rapidement. Il y avait très peu d’informations publiques sur Clara. Je l’appelais « Clara » comme si j’étais intime, alors que je ne savais quasiment rien sur elle.
Comment pouvait-on laisser aussi peu de traces ? Je me resservais un café. Mal à l’aise, je tournais autour du pot. Je retardais le moment où j’allais franchir la ligne rouge. Clara avait un compte sur notre réseau social. Je pouvais certainement extraire quelques informations privées de la base de données.
— Et puis, merde ! Je vais juste regarder deux, trois choses dans la base, pensais-je alors. Je dois savoir dans quel histoire je vais me fourrer.
En accédant aux données brutes, je pouvais contourner les garde-fous que j’avais mis en place, précisément pour empêcher ce type de dérive.
Les deniers posts de Clara contenaient des liens vers des photos. Selfies, photos en bikini. J’en voyais à peine plus que lorsqu’elle était en robe de soirée.
Mon téléphone vibra sur la table. Je sursautais. C’était une notification, une demande d’ami, Clara qui souhaitait m’ajouter à son réseau.
Le message qui l’accompagnait me mit KO.
— Comme ça, tu auras directement accès à mes informations. Tu vois, tu as déjà mordu dans le fruit défendu — Clara.
(À suivre)
Podcast
L’invité du 4ème épisode de Double Vie est Benjamin Lupu, écrivain dans le domaine de l’imaginaire et responsable internet d’un grand groupe de presse. Son interview sortira le mercredi 26 août 2020.
Les trois épisodes précédents vous permettrons de patienter (dont le dernier épisode avec Romain), à écouter dans votre application de podcast favorite (par exemple Apple Podcast ou Spotify).
La dose de flow
Sur mon blog
Cette semaine, j’explique que l’approche des petits pas est celle qui vous sera le plus utile pour vous lancer dans un projet créatif.
Inspiration
Le cinéma de Miyazaki tiens une place particulière. Je connais peu les anime japonais et pour moi Miyazaki a créé un genre à lui seul. C’est le cinéma de la poésie. Ce documentaire suit Miyazaki, entre dans son processus créatif et nous permet de comprendre et apprécier le personnage.
Musique
S’il est un artiste au charisme incroyable, c’est bien Léonard Cohen. Sa voix grave et profonde est devenu sa signature. Voici un morceau live, une reprise magnifique de la Complainte du Partisan, dans une version avec des passages en Français. Envoutant.
À suivre
Lorsque vous lirez ces lignes, je serai en route pour Paris, avec un trajet, à n’en pas douter, sans encombre.
Les vacances ne touchent pas encore à leur fin, car je me projette dans une semaine dédiée au plaisir (et au travail, soyons francs) de l’écriture.
Merci encore de me lire. Votre impatience de connaitre la suite de l’histoire du développeur dans la Silicon Valley m’a surpris 😊
Je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
S’abonner
Vous pouvez vous abonner gratuitement à cette lettre hebdomadaire en remplissant le formulaire suivant:
Photo by Ivan Vranić on Unsplash
Laisser un commentaire