Alors, comment se passe votre week-endâ?
De mon cĂŽtĂ©, câest jour de fiction. Je me suis pris Ă imaginer un nouveau sport, pour le fun.
Bonne lectureâ!
Elon Musk était assis sur un banc à proximité du bassin. Excité, il ne tenait pas en place, parlait fort, faisait de grands moulinets avec ses bras. Il se levait sans cesse, avant de se rasseoir. Il fermait alors les yeux pour se calmer avant le début des hostilités.
Les deux Ă©quipes venaient dâentrer et feignaient dâignorer sa prĂ©sence, mais la tension Ă©tait palpable. Elles prirent place de chaque cĂŽtĂ© de la piscine et se rassemblĂšrent en cercle pour Ă©couter une derniĂšre fois leur entraineur avant le coup dâenvoi.
Paul faisait partie de lâĂ©quipe bleue. CâĂ©tait une lĂ©gende. CâĂ©tait lui qui avait inventĂ© ce sport, aprĂšs tout, presque par nĂ©cessitĂ©.
Les sports de combat lâavaient toujours frustrĂ©. Il admirait pourtant les arts martiaux. Il considĂ©rait les karatĂ©kas comme des artistes qui dĂ©diaient leur vie Ă la maitrise des corps, au contrĂŽle de leurs gestes, de leur souffle. Ce regard perçant qui met lâadversaire Ă nu. Les adversaires qui se regardent sâobservent. Chacun entre dans la tĂȘte de lâautre. Chaque mouvement imperceptible du corps devient un indice, un signal de ce qui doit venir. Le combat prend vie, devient une entitĂ© propre, un organisme hybride autonome. Les combattants forment un tout. Ils fusionnent. Ils sont un.
Puis, vient la frappe. Lâespace dâune seconde, les coups sâenchainent, trop rapidement pour lâĆil humain. On est bien loin des katas exĂ©cutĂ©s 1000 fois au ralenti Ă lâentrainement jusquâĂ en devenir des rĂ©flexes. Une seconde et tout est fini. Lâarbitre lĂšve le bras. Il accorde un point Ă un des deux adversaires. Ils baissent les yeux et se replacent pour lâassaut suivant.
Câest beau, mais c’est trop court.
Paul aimait la lenteur. Il cherchait une forme de combat qui suspend le temps, qui fait durer lâaffrontement. Certes, il y avait bien la boxe, mais câĂ©tait un combat triste dont lâissue est arrachĂ©e Ă lâusure. 12 rounds qui symbolisent la vie. Si le KO ne libĂšre pas lâun des combattants en le fauchant prĂ©maturĂ©ment, le combat va jusquâĂ la fatigue extrĂȘme, la dĂ©composition des corps. Les boxeurs finissent voutĂ©s, abimĂ©s. Le jeu de jambes permanent, si Ă©lĂ©gant au dĂ©but du combat, devient pesant, imprĂ©cis, maladroit.
Les boxeurs sâempoignent, tombent dans les bras lâun de lâautre. Ils dansent, tournent. On ne sait Ă ce moment-lĂ sâils aiment ou se dĂ©testent. Certainement de lâamour. Puis, ils se souviennent pourquoi ils sont lĂ , grimacent, se repoussent, las et usĂ©s, avant de retomber dans les bras lâun de lâautre.
Paul voulait trouver la grĂące dans la lenteur. Le poids de lâinĂ©luctable et du temps, condensĂ© dans un ballet, lâĂ©lĂ©gance des arts martiaux, la fusion des esprits, les corps qui se mĂ©langent dans un combat haletant.
Ătait-ce le mot haletant qui avait fait jaillir lâidĂ©eâ? Il y a deux ans, il avait inventĂ© un nouveau sport de combat qui combinait toutes les valeurs quâil apprĂ©ciait.
AprĂšs avoir gagnĂ© le Championnat du monde, lui et son Ă©quipe, il restait le roi de sa discipline. MĂȘme lâexcentrique Elon Musk sây intĂ©ressait maintenant, lui qui le perçait du regard, de lâautre cĂŽtĂ© du bassin sur le banc.
Aujourdâhui se dĂ©cidait lâavenir de la lutte en apnĂ©e.
Paul resserrait sa combinaison lestĂ©e, ornĂ©e dâidĂ©ogrammes japonais dans le dos. Les poids lui permettaient de se maintenir sous lâeau sans effort pendant toute la durĂ©e du combat.
Les rĂšgles avaient mis du temps Ă se stabiliser. Parfois, Paul voulait faire de nouveaux ajustements pour assurer le parfait Ă©quilibre. Ils avaient adaptĂ© les piscines pour rendre le sport plus passionnant. Un simple bassin de 25 mĂštres constituait une arĂšne dâune taille idĂ©ale, mais il fallait jouer avec la profondeur pour dramatiser progressivement le match. Les participants commençaient dans une zone oĂč ils avaient pied puis progressivement dĂ©rivaient vers le fond, Ă 2 mĂštres sous la surface.
Le match allait commencer. Paul descendit dans le bassin pour faire face Ă son adversaire. Les deux hommes sâinclinĂšrent briĂšvement pour se saluer. Ils avaient de lâeau jusquâĂ lâabdomen. Au coup de sifflet de lâarbitre, Paul prit la posture typique du lutteur. Il avançait vers son adversaire, les jambes flĂ©chies. Dâinstinct, ils se tournaient autour, se rapprochaient lentement. Alors quâil Ă©tait Ă un 1,50 m lâun de lâautre, Paul vit son adversaire prendre une longue inspiration. Il en fit de mĂȘme. Lâhomme bondit. Paul ne rĂ©sista pas. Il relĂącha ses muscles en se laissant projeter vers lâarriĂšre.
Paul avait fait de la lutte en apnĂ©e un sport dâĂ©quipe, pour cĂ©lĂ©brer des valeurs de coopĂ©ration, souder les joueurs. Une premiĂšre paire de combattants commençait Ă lutter dans le bassin, suivi toutes les 20 secondes par un autre duo, jusquâĂ ce que les huit lutteurs soient impliquĂ©s dans le match.
Déjà les deux joueurs suivants prenaient place.
Sous lâeau, les gestes Ă©taient lents, câĂ©tait bien lĂ le but. Les rĂšgles Ă©taient similaires Ă celle de la lutte, mais avec une pression inĂ©luctable, celle de lâasphyxie. Les matchs Ă©taient palpitants et le public retenait son souffle avec les athlĂštes. Les meilleurs pouvaient tenir 3 Ă Â 4 minutes sous lâeau.
Paul et son adversaire Ă©taient maintenant sous lâeau, dans la zone en pente. Il savait que la clĂ© Ă©tait dâĂ©conomiser lâoxygĂšne. Il restait minimaliste dans ses gestes, alors que son adversaire tentait dĂ©jĂ de remonter ses mains vers sa gorge. Paul continuait simplement Ă se laisser descendre. Il roulait sur le dos. BientĂŽt, il aurait la tĂȘte en bas, toujours face Ă son adversaire, qui agitait les jambes pour tenter de faire passer tout son corps au-delĂ de celui de Paul. Paul le laissa faire, accĂ©lĂ©rant leur chute au fond du bassin.
Lâarbitre observait le match sur un panneau de contrĂŽle renvoyant lâimage dâune douzaine de camĂ©ras placĂ©es autour de lâarĂšne. Il Ă©tait lĂ pour compter les points. Le plus souvent le point Ă©tait accordĂ© directement par un combattant, lorsquâune prise lâimmobilisait. Il tapotait alors la bras de son adversaire, ou dressait la main en formant un M, index et auriculaire dressĂ©, majeur et annulaire repliĂ©, tenu par le pouce. Sous lâeau, frapper le sol Ă©tait impossible et trop lent.
Paul semblait voler. Il sâĂ©tait retournĂ© pour se retrouver au-dessus de lâadversaire. La gueule sur le carrelage, il avait dĂ» accorder le point Ă Paul. Une lumiĂšre bleue Ă©claira le bassin pour signifier la dĂ©cision de lâarbitre.
Lâeau du bassin sâagitait. Le deuxiĂšme groupe roulait vers le fond, tandis que le troisiĂšme prenait place. Dehors, Elon Musk sâĂ©tait rapprochĂ© du bord, mais Paul ne pouvait plus distinguer sa silhouette.
Parfois, un des combattants manquait dâair. Pour dĂ©clarer forfait, il devait tapoter ou serrer trois fois le bras de son adversaire. Celui-ci devait alors le libĂ©rer pour que le perdant puisse retrouver la surface.
Lâadversaire de Paul ne parvint pas Ă retrouver ses esprits et jeta lâĂ©ponge. Plus prĂ©cisĂ©ment, il actionna son systĂšme de sĂ©curitĂ©. La combinaison lestĂ©e des participants contenait une petite capsule de gaz, qui gonflait une poche sur le torse pour remonter Ă la surface. Paul regarda son homologue sâĂ©loigner, en joignant les mains pour le saluer.
Toujours au fond de lâeau, Paul se recentra pour affronter son prochain adversaire. Son collĂšgue gagna son match facilement. Sans forfait, aprĂšs deux points perdus, un joueur Ă©tait Ă©liminĂ© et quittait le bassin. Son vainqueur Ă©tait ensuite disponible pour combattre un des gagnants dâun autre combat. Les joueurs les plus forts entraient dans la mĂȘlĂ©e en premier, car il pouvait rester bien plus longtemps sous lâeau. LâĂ©quipe victorieuse Ă©tait celle qui disposait dâun dernier joueur sous lâeau.
Le bassin sâillumina dâune lumiĂšre rouge, lâĂ©quipe adverse avait gagnĂ© le troisiĂšme match, son premier duel. LâĂ©quipe de Paul avait encore deux combattants disponibles au fond du bassin. Paul Ă©tait celui qui Ă©tait entrĂ© dans lâeau le premier, donc câĂ©tait lui qui allait affronter ce troisiĂšme combattant.
Les deux hommes se faisaient face au fond du bassin. Ils laissĂšrent Ă©chapper de petites bulles au mĂȘme moment, en se regardant dans les yeux.
Paul devait agir vite, avant de manquer dâair. Il passa directement Ă lâattaque. Alors que les mains de lâadversaire agrippaient sa combinaison prĂȘt du col, Paul allĂ©gea la pression en ramenant sa jambe droite pour lâinterposer entre lui et son adversaire. En poussant vigoureusement son adversaire fut contraint de le lĂącher. Son visage se crispa de surprise et il Ă©mit une longue trainĂ©e de bulles, qui lentement vinrent Ă©clater Ă la surface. Ăclat de lumiĂšre bleue.
Lâadversaire de Paul tenta le tout pour le tout. Il actionna la systĂšme de sĂ©curitĂ© de Paul. Paul surpris Ă©carquilla les yeux, alors que la poche dâair le tractait vers la surface.
Lâarbitre Ă©tait lĂ aussi pour sanctionner les coups bas. Il y avait dĂ©jĂ eu des accidents. Un joueur qui immobilise lâautre un peu trop longtemps ou lui serre le thorax, pour presser les poumons comme une Ă©ponge, les vider de leur oxygĂšne.
Paul allait contester le point, mais lâarbitre avait vu le coup illĂ©gal. La lumiĂšre bleue illumina Ă nouveau le bassin et le troisiĂšme joueur dĂ» remonter, Ă contrecĆur.
Elon Musk attendait Paul prĂȘt de lâĂ©chelle, au bord de la piscine. Il avait cessĂ© de prĂȘter attention au combat qui se finissait au fond de lâeau. Les bleus dominaient ce match et avaient encore un joueur en rĂ©serve.
Elon semblait emballĂ© par ce quâil venait de voir.
â Alors, Paul, vous ĂȘtes prĂȘt Ă faire passer ce sport Ă lâĂ©chelle supĂ©rieureâ? lui demanda Elon.
â Vous ĂȘtes partantâ? rĂ©pondit Paul.
â Bien sĂ»r. Mes avocats vous donneront les papiers Ă signer. Nous sommes co-fondateurs de la WSWA, la World Space Wrestling Association. La lutte en apnĂ©e dans lâespace, avouez que ça a de la gueule.
Sur mon blog
Voici un texte pour expliquer ce qui nous attend, auteurs et autrices en 2021 : la vraie question Ă se poser, ce nâest pas comment trouver le temps dâĂ©crire, câest comment utiliser le temps que nous avons au mieux, pour Ă©crire les mots qui comptent et font une rĂ©elle diffĂ©rence.
đ Ă lire sur mon blog Double Vie: 2021, une annĂ©e pour Ă©crire les mots qui comptent.
La dose de flow
Musique
Woodkid est un artiste français, aux multiples talents : Réalisateur, graphiste, auteur-compositeur, interprÚte. Le morceau Goliath est envoutant et prenant, une vraie réussite.
Inspiration
Je suis toujours fasciné par la maitrise du Storytelling des équipes Pixar. Voici une nouvelle conférence passionnante, cette fois par Matthew Luhn, qui a travaillé sur Toy Story, Ratatouille, Nemo, Là haut, etc.
Ă suivre
LâidĂ©e de la lutte en apnĂ©e mâest venue tout naturellement, dans un rĂȘve. Cela me semblait si incongru que je nâai pas recherchĂ© si cela existait dĂ©jĂ .
Pourtant, jâai trouvĂ© un sport approchant, consistant Ă se battre sous lâeau contre des pieuvres (đâ!), pratiquĂ© en Californie dans les annĂ©es 60. Je vous laisse en lire plus sur WikipĂ©dia : Lutte sur pieuvre ou Octopus Wrestling. Ă prendre avec des pincettes, tellement cela parait fouâ!
Je ne pense pas que les initiateurs soient fans de Jules Vernes, mais cela mâĂ©voque immanquablement 20â000 lieux sous les mers.
Je vous souhaite un merveilleux week-endâ!
â mikl đ
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Photo by Ivan VraniÄ on Unsplash
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