Alors, comment se passe votre week-end ?
J’espère que vous avez pu faire un petit break, en profiter pour souffler.
Comme promis, aujourd’hui je vous parle du temps et d’Euchronia. Voici la première partie de mon texte, avant la suite la semaine prochaine !
Bon voyage !
Euchronia
La journée s’annonçait magnifique, mais il avait décidé de passer son dimanche au bureau. Elroy pouvait théoriquement se poser n’importe où pour son voyage mental. La tentation était grande de s’assoir dans son dojo, à l’abri de la chaleur écrasante, portes grandes ouvertes sur son jardin.
Il s’apprêtait cependant à partir pour une longue transe. L’environnement contrôlé du bureau était indispensable pour sa sécurité. Un choc extérieur pouvant le laisser dans un état d’entre-deux mondes, aux symptômes allant de la grosse migraine de plusieurs jours à une forme plus ou moins profonde de coma. C’est pour cela que la consigne était claire, c’est même lui qui avait fixé la règle. Ce type de transe ne doit se pratiquer qu’avec un monitoring permanent des fonctions cérébrales vitales du sujet.
Son voyage avait cette fois des objectifs personnels. Il n’allait pas faire progresser la recherche d’Euchronia, sa société, mais le bureau serait vide, il n’aurait rien à justifier.
En arrivant, il s’était donc garé sur le grand parking désert. Les locaux de plain-pied, vastes, semblaient perdus au milieu de nulle part. Le bâtiment préfabriqué beige se fondait sur la terre aride d’Arizona, dans cette banlieue lointaine de Phoenix. Il ne manquait plus qu’un ou deux virevoltants roulant entre les cactus pour compléter le tableau.
Il ouvrit la porte d’un geste machinal. La fraicheur de la climatisation le saisit immédiatement.
Sans perdre de temps, il était passé devant la machine à café, sans s’y arrêter. Pas de caféine avant voyage mental. Il avait posé son sac dans son bureau et avait immédiatement rejoint une des petites salles de « transport » situé au cœur du bâtiment. Sans fenêtre, cette grappe de quatre petites pièces, à la lumière tamisée, était confortablement aménagée. Elles offraient un cocon protecteur propice à la méditation.
Elroy ôta sa chemise afin de s’équiper pour le voyage. Il s’installa en tailleur, les yeux fermés, au centre de la première salle. Son corps était parfaitement immobile. Le dos droit, les mains posées sur les genoux, paume vers le ciel, les doigts joints par le pouce et l’index. Son torse était nu. Cinq capteurs posés sur son thorax étaient reliés à une machine derrière lui. Sa machine. Elle monitorerait les signes vitaux essentiels, pendant toute la durée de l’expérience.
Sa respiration était calme et fluide, à tel point qu’elle semblait s’être arrêtée. Il était presque impossible de distinguer le flux et le reflux de ses poumons, le mouvement de ses côtes, le lent battement de son abdomen. Tourné exclusivement vers l’intérieur de son corps, il avait déjà perdu toute notion du temps.
Son enveloppe charnelle était présente dans la pièce, mais son esprit s’apprêtait à partir très loin d’ici. En mêlant les repères spatiaux et temporels, il allait projeter son esprit à des dizaines d’années-lumière.
D’où il se trouvait, le temps ressemblait à un grand tissu épais, usé et déformé par endroits. Un creux se formait sur chacune des distorsions de l’étoffe. une sorte de petit bol, comme la toile sur le genou d’un vieux jeans, vue de l’intérieur. Au fil des jours, mois, années, la pression répétée à cet endroit distendait les fil de coton du pantalon.
Les pionniers d’Euchronia avaient longuement observé cette toile du temps dans leurs méditations. Sur la trame temporelle, ces petites anomalies correspondaient toujours à des dates marquantes. Dans ces zones de forte concentration de l’énergie humaine, le poids de l’histoire formait des réceptacles. L’espace-temps subissait une usure physique semblable à celle d’un tissu.
En apprenant à mieux connaître cet espace qui se dressait devant lui à perte vu, Elroy avait développé une relation intime avec l’histoire de l’humanité. Il ressentait maintenant la force, la tristesse et la compassion lorsque son esprit se posait sur les ornières formées par les grandes guerres. 1914-18, 1939-45, le Vietnam. Le tissu semblait si usé qu’il en était presque transparent.
Pourtant, les poches temporelles ne se formaient pas toujours dans le sang, la souffrance et la mort. Certaines zones de l’espace-temps étaient simplement des points dans lequel l’énergie humaine débordante avec aussi laissé sa marque. Les grands artistes savaient dégager une énergie colossale. Certaines aspérités en venaient même à être rassurantes. Un peu avant l’année 1500, les fils semblaient presque dessiner en transparence le visage barbu, paisible de Léonard de Vinci. Du moins Elroy aimait-il à le penser, pour ressentir plus fort en lui les vibrations et l’énergie positive de toutes ces âmes qui avaient fait l’histoire.
La « trame » servait pour Euchronia de support aux voyages dans le temps. Comme une bille roulant sur l’épais tissu, les mind travellers pouvaient, après un long préparatif s’arrêter très précisément dans un des réceptacles de l’espace-temps.
Elroy imaginait la bille en question comme un véhicule léger. Dans l’imagerie populaire, pour effectuer un voyage dans le temps, Elroy serait rentré dans une sphère métallique et sombre, sous les yeux de l’ensemble de l’équipe. Nerveux, le groupe se serait regroupé autour des terminaux de supervision. La porte du véhicule métallique se serait refermée sur Elroy. Il aurait pianoté sur le panneau de contrôle. La distorsion du temps lui serait apparue comme une forme de transe, son cerveau assailli de visions aux couleurs psychédéliques. Le vaisseau aurait tremblé en émettant un bruit de tous les diables, puis ce serait arrêté dans un silence soudain. La porte se serait ouverte, dégageant un épais brouillard de fumée. Il en serait sorti, accueilli par Jeanne d’Arc, surprise d’accueillir un sorcier du futur.
Pourtant la réalité du voyage temporel était bien plus simple et beaucoup moins cinématographique. Le voyage dans le temps consistait à manipuler les énergies grâce à son cerveau. En visualisant cette trame du temps, il parvenait ensuite à se projeter mentalement dans le passé.
À suivre…
Podcast
Le podcast Double Vie est reparti pour sa deuxième saison. Le premier invité est Lionel Davoust, auteur de Fantasy, notamment de la saga « Les Dieux Sauvages ». Il est également scientifique, podcasteur, il enseigne l’écriture et parle avec passion de son métier.
🎧 À écouter sur la page Double Vie.
À retrouver également sur Apple Podcast.
La dose de flow
Musique
Voici un morceau acoustique enregistré live en studio, qui rend bien justice à la voix magnifique d’Ed Sheeran. Alors, oui, Ed Sheeran n’est pas un petit artiste inconnu, mais j’ai voulu partager ce morceau pour le flow impressionnant qu’il démontre dans cette session.
Inspiration
Cette semaine, je partage une inspiration fascinante, dans le domaine de la musique. Larnell Lewis est un talentueux batteur de Jazz/Fusion. Il est aussi capable de déconstruire puis de jouer un morceau dès la première écoute.
Dans cette vidéo, il analyse le morceau Enter Sandman de Metallica, qu’il n’avait jamais entendu auparavant.
Sa manière de repérer les motifs classiques et de se concentrer sur les points saillants est passionnante à observer.
Que j’aimerais pouvoir déconstruire une histoire avec tant d’aisance 😉
Je vous laisse avec le batteur Larnell Lewis.
À suivre
Me voilà de retour (ou presque), d’un séjour dépaysant en baie de Somme, au Crotoy, après avoir frôlé l’overdose de fruits de mer (c’est une drogue puissante).
Je suis impatient de vous retrouver la semaine prochaine pour la deuxième partie d’Euchronia. 🧘♂️
Je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
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Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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