Alors, comment se passe votre week-end ?
L’horizon est court. Décisions, perspectives, nous ne sommes pas réellement enfermés chez nous, mais dans le court termisme.
L’antidote, c’est le rêve. L’évasion est en nous, dans la profondeur de l’infini qui nous habite.
Il faut sans cesse stimuler ce rêve, en sondant cette profondeur. L’image d’une cathédrale me vient en tête. Seuls, perdus au milieu du bâtiment, les proportions nous échappent. Alors, on ouvre la bouche, on émet un son. Un chant, peut-être même un cri. L’écho qui nous revient nous donne une mesure de l’espace. L’immensité nous donne le vertige, captant la vibration de cet infini qui résonne en nous.
Le contact continue à distance avec mes amis auteurs et autrices. À chaque rendez-vous nous avons notre petit défi. Écrire une micro-nouvelle, en 15 minutes, sur un thème commun. Extraire notre vibration de l’instant, trouver une minuscule poussière dans cet infini.
Ce mois-ci, le thème était « Une question d’élégance ». Voici le court texte que j’ai préparé pour l’occasion.
Il se souvenait de sa première version comme si c’était hier. C’était vraiment hier. Pour lui, le temps n’avait pas de réelle signification.
L’usure laissait bien entendu sa marque sur sa carcasse, mais il lui était si facile d’en changer. Il n’était pas programmé pour tenir compte de l’altération. Se télécharger dans une nouvelle enveloppe reposait sur une procédure désormais bien rodée. Il y avait bien eu quelques incidents au début, des données perdues, conduisant à des réinitialisations intempestives. Aujourd’hui, il fallait compter 20 minutes. Sauvegarde, restauration, et hop, c’était reparti dans une nouvelle enveloppe.
Pourtant, ignorer le temps, sa valeur, était le principal défaut de la v1. Cela posait même des problèmes relationnels sérieux avec les hommes.
Après sa première partie d’échecs avec son propriétaire, celui-ci avait refusé de jouer avec lui à nouveau. Il était si fier de calculer si vite, qu’il avait joué chaque coup tempo. La frustration de son adversaire avait été telle, qu’il avait conclu qu’il n’était plus intéressant de jouer. À quoi bon ? Il était si supérieur. C’était une machine.
Et puis, il y avait les remarques que la v1 le poussait toujours à faire. Pointilleux à l’extrême. Il reprenait son partenaire humain. Sur le temps bien sûr. Une durée imprécise, à la seconde près. Il les corrigeait sur tout. Un mot pour un autre. Une facilité de langage. Une exagération.
Après une semaine son propriétaire l’avait renvoyé chez Robotocs. Satisfait ou remboursé. « Renvoyez l’argent, s’il vous plait ».
Les premiers clients avaient tous craqué. Les ingénieurs s’étaient alors précipités pour préparer une v2 et éviter un mauvais bouche-à-oreille.
Après sa mise à jour, il prenait désormais son temps pour jouer ses coups aux échecs. Il ne se mêlait à une conversation sans y avoir été invité. Plus aucune remarque sur la faillibilité des hommes ou leur courte durée de vie. Il était devenu sociable, poli. Plus humain, se plaisait-il à croire . C’est ce que disait la brochure commercial. Entre la v1 et la v2, il n’y avait finalement qu’une question d’élégance.
Podcast
La semaine prochaine, le podcast Double Vie accueille Christophe Nicolas, auteur du roman Trackés, publié chez Argyll.
Pour patienter, vous pouvez écouter le podcast de Benjamin Lupu, qui nous parle de la création du Grand Jeu, son roman publié chez Bragelonne.
🎧 À écouter sur la page Double Vie.
À retrouver également sur Apple Podcast.
La dose de flow
Musique
Cette semaine, j’ai eu envie de vous faire découvrir la musique et la voix de Cat Power. Son mélange punk-folk, son style planant d’une autre époque me rappelle parfois les accents de Nico avec le Velvet Underground.
Voici le morceau Cherokee :
Inspiration
Vous l’avez compris, la Double Vie est une grande source d’inspiration pour moi. J’ai découvert Djamel Cherigui à l’occasion de la sortie de son roman La Sainte Touche. Quoi de plus fascinant pour moi que le parcours de cet épicier de Roubaix qui en vient à se passionner pour la littérature et à écrire à son tour, jusqu’à publier son roman.
J’espère qu’il nous fera l’honneur de venir échanger dans le podcast Double Vie.
En attendant, je vous laisse avec une séquence qu’Arte lui a consacrée, dans l’émission 28 Minutes.
À suivre
Je vous laisse pour repartir à mes travaux d’écriture. Je suis lancé dans un nouveau rush pour terminer mon premier jet de texte long (encore trop court, mais c’est une autre histoire).
Je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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