Alors, comment se passe votre week-end ?
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai tendance à la fois à suivre mon intuition et à rechercher le sens de ce que je fais. Je me pose surement trop de questions, mais c’est malgré tout intriguant, surtout quand on se retrouve à faire une chose que l’on n’avait pas nécessairement anticipée, comme l’écriture.
Donc, aujourd’hui, j’écris régulièrement à écrire des textes, une lettre hebdomadaire, de la fiction ou des billets d’humeur. Il y a peu, je passais ce temps-là à programmer. Alors, pourquoi ? Pourquoi ce changement de priorité ?
Quel est le lien, le chainon manquant ? Pourquoi mon intuition m’a-t-elle amené où je suis ? Quel est le lien entre l’écriture et la programmation ?
Un lien évident est l’utilisation d’un langage, de programmation ou d’expression, mais y a-t-il réellement un rapport entre les deux ?
(Ça fait beaucoup de questions, qui se résument par le fameux « Dans quel état j’erre ? ». On y revient toujours.)
Le langage est l’outil le plus simple et le plus puissant à notre disposition.
Quand on vient de l’informatique, comme moi, on pense d’abord aux langages de programmation. Un langage informatique permet de créer un programme au travers d’une étape de compilation ou d’interprétation. Cette étape traduit un langage imaginé pour être utile à l’Homme, en une suite d’instruction exploitable par la machine.
Le langage de programmation est donc à l’évidence un outil. Il est créé dans le but de pouvoir exprimer une séquence logique exécutable par un ordinateur. Un simple outil, rien de plus.
Il existe de nombreux langages de programmation différents. On les classe par leur expressivité, c’est-à-dire par les constructions de haut niveau qu’ils proposent. Ce faisant, ils s’approchent des mathématiques, en offrant non seulement un moyen d’exprimer une séquence logique plus ou moins élaborée, mais aussi en proposant un ensemble de concepts pour enrichir sa pensée. À l’autre extrémité du spectre, il y a les langages de bas niveau, qui ne proposent pas de concepts avancés, mais au contraire restent proche du mode de fonctionnement de la machine.
J’imagine que vous voyez déjà où je veux en venir. Un langage informatique n’est pas seulement un outil pour contrôler une machine, c’est aussi un outil conçu pour nous aider à penser.
De ce point de vue, il se rapproche des langues, qui ont émergé pour nous permettre d’exprimer des besoins simples, mais aussi nos pensées les plus complexes. Au point qu’une langue peut rendre plus simple qu’une autre l’apprentissage ou l’expression de certains concepts. Par exemple, le chinois simplifierait l’accès aux mathématiques chez les enfants.
Le cerveau est malléable. Il façonne notre vision du monde. Le cerveau, les modèles mentaux qu’il manipule, qu’il se crée, façonne notre vision du monde, notre réalité.
Le langage est un produit de cette souplesse. C’est à la fois l’outil de la pensée et le véhicule des émotions.
Dans sa biographie et son livre sur l’écriture, Stephen King décrit ce qu’il appelle le « miracle » de l’écriture. Il voit l’écriture, et par miroir la lecture, comme la forme la plus manifeste de télépathie. L’écriture permet de communiquer des images, des idées, des sensations, des sentiments, au travers du temps et de l’espace.
C’est exactement ça. Je suis en train d’écrire ce texte, installé devant mon ordinateur, à la table de mon salon, une vieille table en bois clair. Lorsque je lève la tête au-dessus de mon écran, je vois mon canapé rouge. Dehors, il fait gris. Le jour peine à se lever. Je suis éclairé par une lampe située à ma droite. Le reste du salon est plongé dans la grisaille. La maison est calme. Il n’y a pas un bruit, pas même dehors. Mon appartement donne sur une typique cour parisienne et en ce samedi matin pascal, la ville tourne au ralenti. Je savoure ce moment de paix en buvant un thé, chaud sans être brulant, un demi-sourire aux lèvres, une marque de plaisir et de grande paix intérieure.
Rien qu’en lisant ces mots, je vous imagine me visualiser, ressentir la chaleur et le bien-être. Vous n’avez certainement qu’une lointaine idée de ce à quoi ressemble en réalité mon appartement, mais je suis sûr que vous me voyez sourire, concentré sur mon ordinateur, face à ce canapé rouge. La télépathie fonctionne. Non seulement j’ai pu vous envoyer ce message, venu directement de mon esprit, pour stimuler le vôtre, mais je ressens également votre présence et votre bienveillance près de moi. La magie s’opère, alors que je n’ai même pas encore terminé ce texte ni envoyé ce message.
Dans une interview d’Amélie Nothomb, elle disait : « un mot vous sauve et un mot vous tue […] il y a une vraie nitroglycérine dans le langage et si je peux la manipuler avec les précautions qui s’imposent, je peux à mon gré tuer ou sauver. C’est extraordinaire ». Le pouvoir des mots est réel.
Cette ivresse de puissance est une force démultipliée de celle que l’on ressent lorsqu’on programme. Mon ami Joe Armstrong expliquait que lorsqu’on termine une session de programmation, on ne peut pas parler, pendant un temps, car on a perdu le langage. On est devenu la machine, on parle son langage. Notre cerveau s’est reconfiguré pour exécuter le code informatique. Il opère dans un mode logique et il lui faut un temps pour se retrouver un autre mode de fonctionnement.
C’est la puissance du cerveau et du langage. Écrire, programmer, c’est profiter de la force de la malléabilité de notre cerveau. Dans les deux cas, on y l’addiction, l’ivresse de l’état modifié de conscience, le même que l’on déclenche dans l’hypnose ou la méditation.
Peut-être est-ce mon chainon manquant ?
Podcast
La semaine prochaine, le podcast Double Vie accueille Mélanie Fazi. Mélanie Fazi est une autrice de fantastique exceptionnelle. Elle excelle dans le format de la nouvelle, trop peu représenté en France. Son recueil « Serpentine » est magnifique. Elle est également autrice de texte de non-fiction et vient de sortir L’année suspendue, un texte personnel qui parle du vertige de se découvrir autiste à 40 ans.
Pour patienter, vous pouvez écouter le podcast de Christophe Nicolas, qui nous parle de Trackés, son nouveau roman publié chez Argyll.
🎧 À écouter sur la page Double Vie.
À retrouver également sur Apple Podcast.
La dose de flow
Musique
Vicente Amigo est un guitariste de Flamenco moderne. Le morceau Tierra mélange tellement d’influence qu’il en est inclassable. Il sonne parfois pop, parfois, ce sont des influences irlandaises que l’on entend.
C’est une bonne introduction à sa musique, avant d’aller écouter ses morceaux plus classiques, flirtant parfois avec le jazz.
Inspiration
Je partage aujourd’hui un classique. En 2005, Steve Jobs a fait un speech devant les nouveaux diplômés de Stanford pour raconter des évènements de sa vie qui l’ont marqué et qui l’ont façonné. La présentation est courte, toujours aussi juste et mérite d’être revue régulièrement.
À suivre
Voici un long week-end qui s’ouvre, durant lequel j’ai prévu de terminer une passe sur le premier jet de mon texte long. J’ai encore du mal à l’appeler roman, car c’est plus de l’ordre du squelette. Il restera tant de changement à faire ensuite …
J’espère que vous pourrez vous aussi profiter de ces trois jours pour faire une activité qui vous permettra de vous évader.
Je vous souhaite un merveilleux week-end pascal (et aux autres aussi) !
— mikl 🙏
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Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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