Alors, comment se passe votre week-end ?
Quand on a des projets, que l’on veut créer, on se prend souvent à rêver d’un havre de paix dans lequel s’isoler pour écrire, peindre, etc. Pourquoi pas une ile déserte ?
Est-ce vraiment une bonne idée ?
Peut-on créer sur une ile déserte, seul, sans connexion avec le reste du monde, sans même avoir accès à aucune livre ?
Le rêve de l’artiste, qui pense qu’il va enfin pouvoir se consacrer à son art, peut rapidement tourner au cauchemar.
Combien de temps va-t-on mettre avant de voir la créativité s’épuiser et les idées s’assécher, avant de tourner en rond ?
Pourquoi est-ce inéluctable ?
Parce que nous sommes des êtres sociaux et que contrairement à ce que l’on croit, la création n’est pas un acte solitaire.
L’écriture, la peinture, la composition se pratiquent souvent seul, mais ces opérations ne constituent qu’une toute petite partie de l’acte de création. Les idées naissent de l’exposition à d’autres idées.
Pourtant, les créateurs sont parfois réticents à accepter les idées des autres. Ils ont parfois l’impression de copier et refusent de voir autour d’eux pour défendre leur originalité.
Je me souviens de l’histoire de cet éditeur, Shawn Coyne. Il aide les auteurs à corriger leur roman, le rendre plus percutant, plus rythmé, plus cohérent. Souvent on lui demande s’il n’est pas trop interventionniste : « Pourquoi influencez-vous les auteurs ? Laissez-les raconter les histoires qu’ils veulent, comme ils le veulent. »
Il répond que la vision de la création est souvent mystique, presque religieuse, une histoire de relation entre l’auteur et sa muse, seul à seul, mais cette mystique était erronée et nuit à la création. Il raconte alors la blague suivante :
C’est l’histoire d’une vieille femme. Son fils vient la voir et lui dit : « Il y a une pluie diluvienne qui arrive et qui va inonder totalement la vallée. Tu dois partir maintenant. » Sa mère lui répond qu’elle croit que Dieu va l’aider et qu’elle va rester dans sa maison. Le fils ne parvient pas à la convaincre et il se résout à partir seul avec sa famille.
La pluie arrive et tombe violemment. L’eau commence à monter. Un homme arrive sur un bateau et propose d’emmener la vieille femme. Depuis le deuxième étage, la femme répond qu’elle préfère rester, car Dieu va l’aider.
L’eau continue à monter. Alors qu’elle est sur le toit, un hélicoptère arrive et lui lance une corde pour la sauver et l’emmener. La femme refuse toujours : « Non, merci, Dieu va me venir en aide. »
Elle finit par se noyer et mourir.
A la porte du Paradis elle est triste et demande : « Pourquoi Dieu m’a-t-il oublié ? »
L’archange Gabriel lui répond alors : « Madame, il vous a envoyé votre fils, un bateau et un hélicoptère. Pourquoi ne les avez-vous pas utilisés ? »
C’est une belle métaphore pour aider le créateur qui pense qu’intégrer des idées qui lui viennent d’ailleurs sont des raccourcis qu’il n’a pas le droit de prendre. Un tel artiste entretient la mystique de la création solitaire, alors que même en restant conforme à cette mystique, l’inspiration peut prendre des visages détournés.
Pourtant, créer, c’est connecter des idées venant de tous horizons. Steve Jobs avait bien résumé ce paradoxe du créateur :
La créativité consiste simplement à relier les choses. Lorsque vous demandez aux personnes créatives comment elles ont fait telle ou telle chose, elles se sentent un peu coupables, car elles ne l’ont pas vraiment faite, elles ont juste observé quelque chose. Au bout d’un moment, cela leur semble évident, parce qu’elles ont été capables de connecter les expériences qu’elles ont eues et de synthétiser de nouvelles choses. Et la raison pour laquelle elles ont été capables de faire cela est qu’elles ont eu plus d’expériences ou qu’elles ont plus réfléchi à leurs expériences que d’autres personnes.
La créativité vient de l’exposition à des idées intéressantes, de nouveaux concepts, de nouveaux points de vue, de leur combinaison et de leur application à d’autres domaines.
C’est aussi pour cela que l’on trouve souvent de grands élans créatifs au sein de mouvements, des impressionnistes à la Nouvelle Vague.
C’est la rencontre et les échanges nous nourrissent et nous rendent si créatifs.
On ne peut pas créer dans le vide, car la création résulte des idées qui s’entrechoquent.
Podcast
Cette semaine, le podcast Double Vie accueille Mélanie Fazi. Mélanie Fazi est une autrice de fantastique exceptionnelle. Elle excelle dans le format de la nouvelle, trop peu représenté en France. Son recueil « Serpentine » est magnifique. Elle est également autrice de texte de non-fiction et vient de sortir « L’année suspendue », un texte personnel qui parle du vertige de se découvrir autiste à 40 ans.
🎧 À écouter sur la page Double Vie.
À retrouver également sur Apple Podcast.
La dose de flow
Musique
Je suis fasciné par l’artiste Keny Arkana, par son charisme et son authenticité. J’aimerais aussi comprendre comment cette femme a réussi à se faire une place dans le milieu ultra masculin (et pas toujours très ouvert) du rap. (Vite, une interview pour Double Vie …)
Elle a écrit un paquet de morceaux incroyables. Parmi eux, j’ai choisi de partager Cinquième Soleil, titre sans fioriture qui fait la place belle à son flow magique, un texte déclamé dans une sorte de phrase continue, qui nous emporte dans sa révolte.
Inspiration
J’avais envie de voyage pour l’inspiration et si possible de voyage en mer, en rapport avec les textes que j’écris en ce moment.
C’est Yannick Schutz qui m’a offert l’inspiration sur un plateau dans sa lettre email Bonjour 15.
Voici Capitaine Léa, court documentaire de Mégane Murgia sur Léa Nahon. Léa est une artiste tatoueuse qui a installé son salon de tatouage sur un bateau dans le port de Douarnenez.
🎥 Capitaine Léa par Mégane Murgia
À suivre
J’ai enfin terminé totalement mon premier jet, avec la fin et la conclusion. Il est temps de le laisser reposer quelques jours, pour prendre du recul et retrouver l’énergie pour le remanier.
En attendant, j’ai plein d’autres textes que je dois remanier. J’ai quelques idées à développer sur la souveraineté numérique, et des textes de fictions qui attendent de pouvoir se réunir dans un recueil. Je vous rassure, je ne vais pas m’ennuyer.
Je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
Photo by Ivan Vranić on Unsplash
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