Alors, comment se passe votre week-end ?
La chasse aux drones, c’est plutôt trippant, non ?
Alors, c’est parti, on repart sur les toits de San Francisco, pour le troisième épisode de Ciel de Plomb.
Pour rattraper la lecture:
Bonne lecture !
Ciel de Plomb – épisode 3
Vince avait enfin rejoint son poste sur le toit-terrasse que le groupe lui avait assigné.
Il se mit rapidement en position, le canon de son fusil sur le rebord en béton, un genou au sol, la crosse appuyée sur son épaule. Même si l’attente n’était jamais très longue, il cherchait toujours une posture qui lui permettait de tenir le plus longtemps possible. Chaque soir était un nouveau combat. Son installation était un rituel qui lui permettait d’évacuer la pression. Malgré la tension qui précédait la traque, il avait appris à se relâcher, sa main droite détendue caressant la gâchette.
Il avait perfectionné sa maitrise de la traque jusque dans la customisation de son arme, un fusil de chasse qu’il avait renforcé pour supporter un type de poudre plus concentré et beaucoup plus explosive. Ces changements lui permettaient d’accroitre la portée de tir d’une dizaine de mètres. Cela pouvait faire toute la différence entre repartir bredouille et se faire un bon repas le soir.
Correctement installé, il pouvait alors savourer l’instant. Sur un toit à sa droite, il devinait la tête d’Alexandra, qui dépassait légérement du rebord. C’était sa comparse, son binôme. Pour la chasse tout du moins.
Alexandra était un sacré personnage, elle qui avait rejoint le groupe pour « soutenir le mouvement », comme elle disait. Elle était tatoueuse et c’était une des rares dans la bande à avoir conservé un petit job. Ironiquement, les affaires marchaient même plutôt bien pour elle depuis que certains cadres friqués de la Valley faisaient appel à ses services pour s’injecter des puces sous la peau. Le piercing technologique était en plein essor.
Ils faisaient tous les deux partie de l’équipe aérienne et avaient un rôle clé dans la traque. Perchés sur les toits, c’était eux qui tiraient sur les énormes proies volantes, qui bientôt noirciraient le ciel. Cette place dans le ciel faisait la fierté de Vince. Ce n’était pas grand-chose, mais en hauteur, il jouait un vrai rôle. Il se sentait revivre. La petite communauté du squat dépendait des aériens pour se nourrir ce soir. Leur mission était importante.
La chasse de la veille avait été un fiasco, mais il était serein. Rentrés bredouilles, ils avaient dû se contenter des restes. Chaque soir était différent.
Hier, la nuée mécanique les avait tous surpris en empruntant un nouveau chemin. Les drones partaient tous les soirs de Hunters Point — la pointe des chasseurs, belle ironie — pour rejoindre les quartiers centraux et branchés de Mission et de Castro. Ils prenaient le chemin le plus direct, finalement assez court, mais hier, ils avaient fait un détour pour survoler South of Market, à la limite du Tenderloin, qui fait habituellement figure de repoussoir. Ce changement d’habitude aurait dû l’inquiéter, mais il ne pouvait rien leur arriver de pire, pensait-il. Ils avaient déjà touché le fond.
Le soleil commençait à descendre sur l’horizon. Vince aimait cet instant de calme avant la tempête. De son emplacement, il pouvait apercevoir l’île d’Alcatraz, éclairée par la lumière dorée qui caressait la ville avant le crépuscule. À gauche, il apercevait la Coït Tower, perchée sur sa colline arborée. Plus à gauche encore, l’imposant néon rouge rétro du Fairmont Hotel était déjà allumé.
La fraicheur tombait sur la ville. La petite brise glaciale de San Francisco s’était levée. Bientôt le brouillard descendrait sur le Golden Gate.
Cette attente était une bénédiction, un moment où le temps était suspendu, où il vivait dans l’instant présent. Vince ne se sentait pas prêt à accepter sa nouvelle situation, à faire la paix avec lui-même. Pas encore. Sa vie était simple désormais, mais la précarité lui pesait. Pourtant, ce soir, de ce toit, il se sentait confiant, rassuré par la répétition des jours qui se suivaient et se ressemblaient, organisés autour de la traque du soir. Ce groupe soudé de chasseurs était sa nouvelle famille.
Sans relâcher son attention, il plongea la main dans son sac, pour y extraire un *fortune cookie*. Il remercia la femme qu’il avait croisée, elle éclairait sa soirée. Il cassa le biscuit d’un coup de dent et l’avala en crachant le petit rouleau de papier contenant le message. Que lui réservait l’avenir ?
« Caché dans une vallée luxuriante au milieu d’un désert aride —C’est le type d’endroit où vous trouverez votre rêve. », disait le message.
Vince avait-il encore des rêves ? Il n’en était même plus sûr. Il rangea le petit papier dans son sac et reprit sa position.
Le signal retentit. Sur les toits à un bloc de là, Vince entendit le sifflet d’Alexandra. Sa main se raffermit sur la gâchette de son arme. Il entendait maintenant le bourdonnement caractéristique de la horde. Ils ne s’étaient pas trompés, les drones arrivaient aujourd’hui encore par le sud et Vince était prêt à les cueillir.
Le tir n’avait pas besoin d’être précis. Son fusil déployait un énorme filet dont le but était d’immobiliser une de ses cibles. Le plus souvent, elles tombaient comme des pierres, et plus bas, dans les rues, ses compagnons faisaient le reste du boulot en ramassant de quoi les nourrir pour plusieurs jours. Si tout se passait bien.
Les drones venaient droits sur eux. D’abord on pouvait penser à une énorme nuée de moustiques, mais quelques instants plus tard, des dizaines de drones, énormes et lourds, passaient au-dessus d’eux avec un bruit de vibration crispant. Ne pas se déconcentrer. Il lui fallait au moins en descendre un. Si Alexandra faisait mouche également, ils auraient assez de nourriture pour les trois prochains jours.
Le bruit devint plus intense, un bourdonnement à rendre fou. Composés de huit moteurs, les drones étaient bien plus imposants qu’on pouvait l’imaginer. Les machines volantes mesuraient presque trois mètres d’envergure et pesaient plus de 80 kilos. Ils étaient pilotés à distance par les livreurs. Une assistance sophistiquée faisait de son mieux pour éviter les collisions, mais les crashs étaient malgré tout fréquents. Si un drone finissait sa course sur le toit, Vince risquait d’être sérieusement blessé. Pour oublier sa peur, Vince prit une grande inspiration, avant de retenir son souffle.
Un. Deux. Trois.
Vince pressa une première fois la détente. Les poids dans le projectile furent éjectés vers l’avant, alors que la cible était encore au-dessus de la rue. Le filet se déplia en un instant. À quelques kilomètres de là, le pilote ne put éviter l’obstacle. Peut-être même n’avait-il pas eu le temps de le voir.
Le drone se retrouva bloqué comme un insecte pris dans une toile d’araignée. Les petites breloques qui pendaient sur le filet s’inséraient dans les pales pour en bloquer les hélices. Les moteurs s’arrêtèrent net et le drone perdit immédiatement de l’altitude. Vince l’entendit heurter le rebord de l’immeuble un peu sur sa gauche. Vince rechargeait déjà son arme lorsqu’il entendit le drone s’écraser au sol.
Il était prêt à tirer une seconde fois. Il fallait bien choisir ses proies, car certains drones servaient de leurre et volaient à vide. Il visa un drone au milieu du groupe qui se déplaçait péniblement et tira à nouveau. Il avait à nouveau fait mouche. Les drones autour de sa cible s’écartèrent promptement pour ne pas risquer d’être entrainés dans sa chute.
Vince n’eut pas le temps de charger une troisième fois. L’escadron était déjà passé.
Il était ravi de son exploit. Deux drones en une soirée, c’était une première. Il se pencha par-dessus le garde-corps de l’immeuble, pour voir ses compagnons ramasser le butin. Il n’allait hélas pas pouvoir se réjouir longtemps. Lorsqu’il releva les yeux, Alexandra était en difficulté, confrontée à un petit drone, agile et léger.
À suivre…
La dose de flow
Musique
Inspiration
Pour rester dans l’esprit des vacances et conserver l’inspiration du voyage, je vous recommande le documentaire de Pierre Marcel, Tabarly, sur le célèbre navigateur français.
Éric Tabarly est un personnage passionné, passionnant, fascinant. Sa carrière n’est pas seulement celle d’un sportif de haut niveau, c’est celle d’un amoureux de la nature, de la mer.
Sa vie est celle d’un homme qui a vécu comme les grands explorateurs des siècles passés, mais ce qui frappe encore plus, c’est la manière dont il embrassait sa discipline, en l’étendant à l’ingénierie, au travers de la conception de ses propres bateaux.
Voici la bande-annonce de ce documentaire de 2008 :
Le reportage est également porté par la musique de Yann Tiersen. Un beau moment de dépaysement.
Pour en découvrir plus sur le personnage, vous pouvez regarder le reportage de Thalassa, disponible sur YouTube : L’épopée Tabarly.
À suivre
Voici une dernière photo d’Andalousie avant le retour à Paris, prise dans le parc national de Doñana. Magique.

Les vacances se terminent, mais pas encore la nouvelle Ciel de Plomb.
On se retrouve pour encore deux épisodes avant de conclure l’histoire de Vince et des chasseurs.
D’ici là, je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
Photo by Jared Erondu on Unsplash
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