Alors, comment se passe votre week-end ?
Les prochaines vacances ne sont plus très loin, ma retraite d’écriture à Épinal est en vue, alors je ne vais pas trop bouger ce week-end. J’ai décidé de rester sur terre. J’imagine que vous aussi, non ?
Pourtant, l’envie de découvrir l’univers est toujours présente en nous. De l’Ile au Trésor à Benjamin Gates, de Star Wars à The Expanse, nous avons besoin d’ailleurs. En y réfléchissant, ça donne le vertige. Planètes, étoiles, soleils, distances en années lumières, le monde est grand et nous sommes petits.
Que fait-on dans cette immensité ? Qu’apporte-t-on au monde, à l’univers ?
Je me souviens d’une autrice qui écrivait en substance sur les réseaux sociaux : « Ce que j’écris ne vaut rien, tout le monde s’en fout. » Le sentiment d’ajouter une goutte d’eau dans un océan de mots.
Et c’est vrai. Combien de milliers, de millions de mots sont écrits chaque jour ? Si l’on y réfléchit trop, cela donne le vertige.
Alors, écrire oui, ça doit venir du corps, du cœur, pas de la tête. Il ne faut pas trop réfléchir à l’acte lui-même. C’est d’abord une manière d’utiliser le papier pour penser, rêver, pour exister, pour garder la trace de notre parcours. C’est notre mémoire.
On écrit d’abord pour soi. C’est ce que répètent les auteurs établis aux aspirants écrivains pour qu’ils ne se découragent pas.
Le monde est grand, nous sommes petits. D’une certaine façon, c’est une chance, cela nous rend libres d’expérimenter sans pression.
Ce n’est pourtant qu’une partie de la réalité de l’écriture, c’est garder une attitude d’enfant pour ne pas perdre la foi, c’est éviter de regarder en bas, pour ne pas avoir le vertige.
Avec l’invention de l’imprimerie, puis d’internet, nos mots parcourent le monde, nos textes trouvent leur chemin et résonnent pour d’autres. La diffusion donne à un texte de merveilleuses opportunités de trouver des lecteurs… Mais il se perd aussi dans la masse de textes, livres, articles produits chaque jour.
Des millions de mots. Le langage écrit est partout. Littéralement, écrire, c’est jeter une bouteille à la mer. On écrit finalement pour, peut-être, captiver une autre personne à l’autre bout de la terre ou à une autre époque. On communique avec un autre homme, une autre femme qui nous ressemble. On cherche un alter ego. C’est aussi important. Trouver ses pairs, créer des groupes d’autrices et d’auteurs, parfois même des mouvements littéraires.
Pourtant, si ce vertige de l’infini est une réalité, une sensation impressionnante, agréable ou déroutante, il ne reflètent pas la vraie puissance des mots, leur force d’attraction.
Ce que l’on fait est à la fois insignifiant et capital. Un mot n’est pas équivalent à un autre. Combien de textes parlent du sujet que je traite. Un, deux, dix, vingt, des milliers ? Combien le traitent à ma manière, ma façon, avec le même ton ? Beaucoup moins, assurément. Nos textes sont uniques à leur façon.
Cela m’évoque la comparaison de Martin Winkler dans ses Ateliers d’écriture. « Écrire, c’est cuisiner les mêmes histoires que tout le monde, chacune à sa façon. »
La comparaison est intéressante, car elle évoque l’infini et la singularité. Malgré la capacité de reproduction et de diffusion des textes, écrire reste un artisanat. Un artisan fait parfois la couverture des magazines, mais il a avant tout un impact local. Combien de tiramisus sont préparés dans le monde chaque jour ? Des milliers, peut-être. Mais combien de tiramisus valent le vôtre ou celui de votre petit restaurant de quartier préféré ? Quelle est l’importance pour vous qu’il existe un excellent tiramisu dans un fameux restaurant d’Albuquerque, si vous n’allez jamais à Albuquerque ?
En bon artisan, ce que vous produisez est important pour vous, pour les gens autour de vous et ceux dont vous croisez le chemin.
Souvenez-vous du rôle des conteurs, ces hommes, ces femmes qui racontent le monde, envoutent, transportent. Lorsqu’ils chuchotent, lorsqu’elles murmurent, leurs voix peuplent les esprits, deviennent le monde. Ils créent une réalité tangible, les enfants sursautent lorsque le danger apparait tout soudain. L’horizon s’étend et le monde se resserre. L’âtre n’éclaire qu’une partie de la pièce, dans l’ombre il n’y a plus rien, l’univers s’est concentré autour du feu dans cette voix qui hypnotise son auditoire.
Dans l’infinie production des mots, il n’y a, à cet instant, dans ce lieu que ces mots qui importent, que vos mots, que votre parole.
Podcast
Cette semaine, Double Vie accueille Clément Bouhélier. Clément est romancier dans le domaine de l’imaginaire et expert en référencement Web. Il a déjà publié six ouvrages, et son septième, le troisième épisode de la série Olangar sort en novembre prochain.
🎧 À écouter sur la chaine YouTube Double Vie.
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La dose de flow
Musique
J’adore le groupe Eiffel, j’en ai parlé il y a quelques semaines. Le flow cette semaine, m’y ramène. « Nous sommes du hasard » me semblait parfaitement adapté. Je vous laisse donc avec le questionnement et la voix chaude de Romain Humeau, « Je n’sais pas où je finis Où est le bout du temps ? Où m’évanouis-je ? … »
Inspiration
Je viens de découvrir un chef d’œuvre. J’ai terminé la lecture du roman « Des Fleurs pour Algernon », de Daniel Keyes et j’en ai le souffle coupé. Le livre raconte l’histoire de Charlie, une personne souffrant d’un retard mental, qui rêve de devenir intelligent pour pouvoir mener une vie normale. Il se trouve sélectionné pour une opération chirurgical qui va satisfaire son souhait et augmenter ses capacités.
Le texte a commencé à exister sous forme d’une nouvelle, puis a pris la forme d’un roman quelques années plus tard. La nouvelle a gagné le prix Hugo en 1960, le roman le prix Nebula en 1966.
Ne vous y trompez pas. Le texte est classé en Science-Fiction, mais les éléments du genre sont très limités. Pas de vaisseau spatiaux, pas de surnaturel. C’est surtout un roman terriblement humain.
La force du texte est dans le choix du point de vue. Il est écrit sous la forme d’un journal et adopte le point de vue de Charlie, qui raconte son évolution, ses réflexions, et partage son regard incertain sur le monde.
Ne vous découragez pas au début du texte, écrit avec le vocabulaire et l’orthographe limités de Charlie. Le style évolue après l’opération et avec le développement de ses capacités.
Je recommande aussi de lire le texte autobiographique « Algernon, Charlie et moi », inclus dans l’édition augmentée. Daniel Keyes y raconte en détail la genèse du roman. Il y propose même par exemple les cinq pages d’un premier jet, écrit un soir de fulgurance, et commente l’évolution du texte. Passionnant.
Un livre magnifique, dur, humain, simplement beau. Un vrai coup de cœur !
À suivre
Je vais une fois encore me perdre dans les livres et dans mes écrits ce week-end. Je dois préparer ma retraite d’écriture et j’ai besoin d’avancer sur mes textes, pour un départ lancé.
J’en profiterai la semaine prochaine pour vous présenter le premier épisode de ma prochaine nouvelle, « Maudite IA ».
En attendant, je vous souhaite un merveilleux week-end sur terre !
— mikl 🙏
Photo by Andy Holmes on Unsplash
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