Alors, comment se passe votre week-end ?
J’aborde le mien un peu boosté, car je me sens grandi par une révélation sur l’écriture, une illumination que j’ai eue cette semaine.
Pourtant, c’est un truc simple, un truc que l’on vous explique dans tous les ateliers d’écriture, mais qu’on ne peut sentir, hélas, que plus tard, lorsqu’on tâtonne, que l’on se perd dans la construction d’un roman.
Le problème avec les bases, ces choses si élémentaires que tout le monde les connait, c’est justement qu’il ne faut pas simplement les avoir entendus, les avoir appris. C’est un truc qu’il faut avoir assimilé et intégré au plus profond de soi pour qu’il devienne exploitable. C’est finalement le cœur de la compétence que l’on cherche à acquérir. Elle ne vient qu’avec l’expérience.
C’est comme l’équilibre en vélo, le rythme en natation ou le flow en écriture. La théorie ne t’aide pas, car tu ne la comprends qu’au moment où tu sens que tu fais les choses bien. Seulement là, alors, c’est l’illumination, et tu peux réfléchir à la manière de le refaire, de reproduire ce succès avec régularité.
Bon alors, de quoi je parle, hein ?
Une chose m’a frappé hier en travaillant sur mon projet de techno-thriller, « 404 » : le choix du point de vue est critique dans la construction d’un texte. C’est même l’essence d’un projet. Changer de point de vue change l’histoire, change sa portée.
Cela fait d’ailleurs partie du plaisir de l’écriture, mais aussi de la lecture. Se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre, imaginer et vivre d’autres vies.
Raconter une histoire, c’est trouver un angle de caméra qui intrigue, qui désoriente, qui pose des questions. Le reste suit.
C’est l’essence d’ailleurs de la plupart des activités artistiques. La question du point de vue fait tout en photo ou dans le cinéma.
Le parti pris d’un roman détermine son point de vue — et son dispositif narratif. C’est une composante indissociable du projet.
La question du point de vue peut donc changer la nature d’un roman. Elle fait toute la différence entre un roman banal et un bon roman. Une grosse partie du travail d’élaboration consiste à trouver le bon point de vue. C’est particulièrement vrai dans le genre du thriller, que j’ai choisi pour mon premier projet long.
Un mauvais point de vue peut détruire un effet, ruiner l’histoire ou la transcender. Les romans marquants ont tous un point de vue unique. Parmi ceux que j’ai lus assez récemment, Des Fleurs pour Algernon ou Au Revoir Là Haut, en sont de bons exemples. Par essence, les grands romans d’Agatha Christie jouent tous avec les points de vue. Le Crime de l’Orient-Express, Le Meurtre de Roger Ackroyd, Ils étaient dix,… Tous s’amusent avec le point de vue du lecteur sur l’histoire.
Pour mon projet, dans le cas d’un technothriller donc, un roman choral avec de multiples points de vue, la manière de distribuer l’attention du lecteur fait tout. Elle détermine ce que sait le lecteur, la cohérence de l’histoire, mais aussi l’éclairage sur l’univers et le regard de l’auteur sur le monde.
Alors, quelle a été ma révélation concrètement ? Et bien, je pensais que mon personnage principal était trop effacé. Il avait du mal à trouver sa place dans l’histoire. Je m’escrimais de régler un problème de construction du personnage, à en faire un personnage moins fade, alors que j’avais avant tout un problème de point de vue. Le personnage était effacé, car la narration développait trop de points de vue différents. En réduisant, le nombre de points de vue, en racontant l’histoire différemment, je peux replacer ce personnage plus au centre. Je lui donne mathématiquement plus de poids, plus d’attention.
Commencer par un projet de technothriller n’est pas simple pour un premier roman, car ce genre nécessite une construction relativement complexe, une maitrise relativement avancée de la question du point de vue. C’est pourtant aussi une chance, car ce type d’exigence me contraint à mettre en place une approche et une méthode qui me resservira pour tout type de projets, de genres et de formats.
En attendant, j’ai passé un blocage sur ce roman et peux reprendre la construction de mon histoire. C’est une petite satisfaction que je savoure.
Podcast
La semaine prochaine, le podcast Double accueille Floriane Soulas. Floriane est ingénieure, docteure et autrice de trois romans couvrant de nombreux genres de l’imaginaire, de la fantasy à la science-fiction, et de plusieurs nouvelles. Elle nous parle de sa vie créative, de son travail d’autrice et de ses projets.
Pour patienter, vous pouvez écouter le podcast de la semaine dernière avec Fabien Cerutti, l’auteur de la série de romans « Le Bâtard de Kosigan ».
🎧 À écouter sur la chaine YouTube Double Vie.
À retrouver également sur Apple Podcast et le site Double Vie.
La dose de flow
Musique
La chaine YouTube de Bashung est toujours active et de nouvelles vidéos sont publiées régulièrement. Depuis quelques semaines, des vidéos tirées de ses concerts à l’Olympia en 2008 sont ajoutées chaque semaine. J’étais à l’un de ces concerts, et je me souviens avoir passé un moment merveilleux.
Voici Fantaisie Militaire, magnifique version tirée de ce live totalement magique.
Inspiration
L’inspiration du jour est une reprise. Le musicien PV Nova a refait la Lambada en version Western, et le résultat est bluffant. Question de point de vue, question de genre, l’exercice démontre qu’un morceau, comme une histoire, peut être interprété et réinterprété de multiples façons, pour créer quelque chose de différent et nouveau.
À suivre
Pour moi, le week-end s’annonce chargé, même si je n’aspire qu’à évacuer la fatigue accumulée par mon opération dentaire. Je devrais gérer ça entre de nouvelles interviews pour le podcast Double Vie, un diner entre amis… et peut-être une ou deux séances d’écriture.
En attendant, je vous souhaite de passer un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
Photo by Waren Brasse on Unsplash
Laisser un commentaire