Alors, comment se passe votre week-end ?
Aujourd’hui, ça devient sérieux.
Je dois terminer ce week-end une nouvelle que je dois soumettre à des Appels à Textes (AT, dans le jargon). J’ai eu des retours pour me permettre de faire les dernières améliorations. La bonne nouvelle, c’est que le potentiel est là. La moins bonne ? Il y a encore pas mal de boulot, mais avec les bons retours, je pense que je peux réussir à dépasser mes dernières difficultés techniques pour finaliser un texte de qualité.
Il n’y a plus qu’à bosser, s’accrocher à la puissance des mots, à leur beauté, à leur force sur la page…
… Et à tout remettre en perspective. L’enjeu de ce premier texte soumis est juste de produire un bon texte, techniquement correct, qui accroche le lecteur et lui fasse passer un bon moment.
Les mots sont joueurs, ils sont une pâte à modeler pour notre cerveau.
Et parfois une forme de miracle se produit. Sans vouloir oser me comparer un jour aux grands auteurs, je suis heureux de lire des œuvres intemporelles qui me rappellent que parfois les mots sont plus grands que nous. Ils nous dépassent, forcent le respect.
Au point que parfois, ils font parfois peur. L’actualité me l’a rappelé cette semaine.
En 1992, Maus devenait le premier « roman graphique » à recevoir le prix Pulitzer. Le travail de Art Spiegelman a marqué son époque en parvenant à mettre en scène un témoignage sur l’holocauste sous la forme d’une BD retraduisant le dialogue entre deux générations, celle de son père survivant des camps et celle de leurs descendants, représentés par Art Spiegelman. Art Spiegelman a été novateur sur le dispositif narratif, mais aussi sur la forme, le choix du dessin d’abord, mais aussi de représentation des nazis sous forme de chats, et des juifs et tous les autres, sous forme de souris.
J’ai lu Maus dans les années 90, et comme beaucoup, il m’a profondément marqué.
Cette semaine, une école du fin fond du Tennessee, aux États-Unis donc, a décidé de bannir Maus, de la bibliothèque.
La censure de Maus avait déjà été opérée en Russie, à plus grande échelle.
Parce que le contenu, les idées véhiculées, les images et les mots qui les représentent font peur.
Les mots font peur.
Je veux croire que c’est de là que vient le mythe du livre maudit cher à Lovecraft, mais aussi bien sûr du thème récurrent des autodafés dans l’histoire, repris symboliquement dans les romans dystopiques comme 1984 de George Orwell ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Les mots déclenchent la peur, au point que certains livres deviennent intolérables pour les régimes autoritaires.
Ça, c’était pour la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle ? C’est que les mots ne font pas peur sans raison. Ils sont des cibles faciles, inertes, mais les idées qu’ils représentent naissent, vivent et prospèrent dans la tête des gens.
On n’arrête pas les mots, on n’arrête pas les histoires. Viktor Frankl, le psychiatre autrichien, a expliqué dans son texte sur la logothérapie que les histoires donnent un sens à la vie. Même dans les endroits les plus sombres, même dans les camps, à Auschwitz, il y avait des personnes qui racontaient des histoires et les mettaient en scène avec de dérisoires marionnettes de morceau de pain sec. Les mots sont le dernier lien à l’espoir.
À notre époque cynique, je veux encore croire que les textes, les histoires, les discours peuvent changer imperceptiblement le monde. « I have a dream », la phrase de Martin Luther King est une des phrases les plus célèbres au monde, elle provient d’un discours et véhicule à elle seul un état d’esprit d’ouverture et de résistance.
Autant de rappels que les mots sont puissants et qu’ils continuent de l’être tant qu’il reste quelqu’un pour les faire vivre et pour les écouter.
Tout cela vaut bien de passer quelque temps à jongler humblement avec les mots, comme un enfant construirait un château de sable, pour leur témoigner la déférence qu’ils méritent.
Podcast
La semaine prochaine, le podcast Double Vie reçoit Ketty Steward. Ketty est autrice de science-fiction, mais Ketty est aussi bien plus que ça. Elle est engagée dans une réflexion de fond sur la société et sur l’humanité, notamment au travers de ses travaux au sein de l’université de la pluralité, qu’elle préside depuis 2019.
Pour vous faire découvrir ses textes, Ketty m’a proposé de lire un extrait de son dernier roman, L’Évangile selon Myriam, un passage consacré à Œdipe, qui renvoie à ses réflexions sur le temps, les récits, la vérité et la psychologie.
🎧 À écouter sur la page Ausha S03e11 – Teaser: Ketty Steward.
À retrouver également sur Apple Podcast, Spotify et toutes les plateformes de podcast.
La dose de flow
Musique
Et si on se prenait une grande claque aujourd’hui ?
J’hésite depuis un moment à vous partager un morceau de Yungblud. Parce qu’il est engagé, que ses morceaux passent un message sans excipient et développent des histoires qu’il met en scène dans des clips chocs qui décuplent la force de sa musique. Le choc vient de la force des mots, des images, de l’art.
J’ai dû faire un choix, car certains morceaux sont d’une telle force qu’ils peuvent en être choquants et déstabilisants.
Alors, voici « hope for the underrated youth », une bonne introduction à Yungblud :
Inspiration
L’ami Benjamin Lupu avait pourtant insisté : « Il faut lire Vernor Vinge. C’est vraiment pour toi. »
J’ai mis le temps, mais j’ai enfin lu Cookie Monster et effectivement, c’est ma dope. La version française est de 2016, mais le texte a été publié en anglais en 2003. Et ça m’impressionne encore plus, car il traite de sujets technologiques qui étaient alors beaucoup moins labourés qu’aujourd’hui.
Cela m’a permis de confirmer également que la collection Une Heure Lumière du Bélial est vraiment de belle qualité. La collection est magnifique, illustrée par Aurélien Police, et se concentre sur les romans courts, les novellas, qui est un format fort agréable à lire. J’ai dévoré il y a peu l’excellent Symposium Inc d’Olivier Caruso, et je vous le recommande également. À lire peut-être même avant Cookie Monster, car il est plus accessible.
Je vais continuer à piocher dans cette collection. Une Heure Lumière plonge dans la science-fiction, sous le versant anticipation, avec des textes de qualité.
Je crois que je suis pile dans le cible, non ?
À suivre
J’ai encore deux séances à venir de mon atelier sur le polar avec Franck Thilliez. Le personnage est toujours aussi fascinant. Ma priorité ce week-end est pourtant de finir les deux révisions de ma nouvelle avant soumission dans les Appels à Texte.
J’ai reçu déjà plusieurs retours de lecture de mes amis auteurices. Cela me fait un bon point de départ pour jeter un regard neuf sur le texte. Merci !
En attendant, je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏
Photo by Arun Anoop on Unsplash
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