Notre société a basculé progressivement dans le culte de l’image. À l’origine, ce culte avait pour Dieu la télévision. Juste la télévision, suis-je tenté de dire, car même si beaucoup se sont laissés happer, même si beaucoup y ont perdu des heures, des jours et des semaines, hypnotisés par l’écran, la télévision avait une limite importante : c’était un média de masse. C’était sa force et sa faiblesse.
Aujourd’hui, la télévision est dépassée. Le contenu roi est la vidéo à la demande.
Les services comme Netflix, Amazon Prime, Disney+, Apple TV+ sont devenus les principaux pourvoyeurs de contenus pour une partie de l’audience. Ils offrent un catalogue clé en main de contenus conçus pour des publics ciblés. Mais plus qu’une révolution du contenu lui même, c’est surtout une révolution de la production et de la distribution des films et séries. Le contenu reste produit et calibré pour répondre aux envies de groupes appartenant à des audiences types.
La vraie révolution vient de la démocratisation des médias produits par des vidéastes indépendants, des « vloggers », auteurs produisant des contenus ancrés dans leur savoir, leur vécu et leur quotidien. Internet a ainsi permis de renforcer le pouvoir de l’image avec la personnalisation des contenus. Le contenu vidéo est devenu tellement peu cher à produire, à la portée de tous, que, comme dans l’Internet des pionniers, l’outil a été d’abord été investi par les passionnés. À ce titre, je pense qu’il y a eu un Âge d’Or de YouTube en permettant de créer des communautés, de vulgariser des sujets complexes, de devenir le savoir référent d’une niche, d’un petit milieu.
YouTube a lancé la tendance, mais les réseaux sociaux ont ensuite amplifié le phénomène. Périscope, puis les stories Instagram, ont encore réduit les coûts de production. Être soi, se montrer, partager, commenter ce que l’on sait faire en vidéo est aujourd’hui suffisant pour générer de l’audience. Joueurs de jeux vidéo, coachs sportifs, musiciens, humoristes, essayistes, aujourd’hui, tout le monde produit du contenu en ligne, quotidiennement ou presque. Le confinement rend le phénomène encore plus explicite puisque c’est le seul moyen d’expression en direct qu’il reste aux artistes.
Pour un artiste, il semble même incongru de refuser de jouer le jeu de la vie en ligne : se montrer, partager un moment d’intimité, être soi.
Paradoxalement, en racontant le quotidien, en misant la proximité avec le créateur, l’authenticité se dissout et se perd. On est noyé par une masse de contenus vidéos, vite produit, vite consommé, vite oublié. On est dans la réaction. L’authentique devient l’improvisé.
On ne croit souvent que ce que l’on voit. Pourtant, l’image déforme souvent la réalité. C’est une illusion. Photos, vidéos s’affichent sur les réseaux et poussent chacun à jouer un rôle. Les réseaux sociaux ont fait de chacun de nous des « influenceurs » à plus ou moins grande échelle. Le confinement accélère et rend le phénomène encore apparent. Nous sommes qui nous voulons paraitre. D’où les exhortations à réussir son confinement. On ne peut plus mettre ses photos de voyage sur Instagram, alors, on poste ses photos de pâtisserie et de pain. La réussite passe encore par l’affichage.
Dans la période qui s’ouvre, l’authenticité reste finalement rare, mais elle devient une valeur refuge.
Parler vrai, c’est le consommer local et bio de l’intellect. Cela vaut pour les contenus vidéo. Mais surtout, paradoxalement, dans cette période, l’écrit me semble devenir le siège de cette sincérité. Le contenu est maturé, les mots sont choisis, le texte est relu, pesé, pensé. On s’y dévoile sans se montrer.
Les bons blogs, textes, romans, podcasts nous aident à comprendre les autres humains, à supporter les revers, partager nos joies et réussites et à avancer en réfléchissant sur le monde, mais surtout sur soi. En cette période, nous pouvons voir et penser au-delà de l’immédiateté pour produire des textes, des podcasts, mais aussi certainement des contenus vidéo profonds.
Tant pour les individus que pour les entreprises, partager des écrits sincères est un moyen de faire avancer le monde. Les blogs corporate sont souvent vus comme des moyens d’optimiser sa présence sur le Web. L’ambition est juste de publier pour exister. Alors, les sociétés produisent des articles bon marché, ressassant les mêmes banalités, les mêmes astuces.
Pourtant, j’y vois pour les entreprises une grande opportunité de se révéler, de faire émerger leur réelle raison d’être et de contribuer à faire du bien au monde. Le web, les textes partagés sur les blogs sont un formidable moyen de reconnecter l’entreprise à un ensemble plus vaste, de l’intégrer dans un dialogue sur l’avenir de notre société, de lui donner une voix et une personnalité.
C’est certainement le moment de remplacer la communication, unidirectionnelle, par le partage, de laisser parler les femmes et les hommes qui forment vos équipes, d’oublier la machine économique pour montrer votre humanité.
P.S. Si vous souhaitez réfléchir à la manière dont vous souhaitez aider votre entreprise à s’impliquer dans ce Nouveau Monde et utiliser l’écrit pour partager votre vision, vous pouvez me contacter.