Je suis tombé sur ce Tweet de Thomas Legrand : La France aurait pu être un leader d’Internet ! Le roman choc d’Éric Reinhardt : « Il y a dans la vie des nations, des civilisations, des moments de bascule ».
Le roman d’Éric Reinhardt, Comédies françaises, évoque l’abandon par la France du projet de datagramme, qui sera ensuite récupéré par les Américains pour imaginer les premiers pas d’Internet.
Je ne l’ai pas encore lu le livre. Pourtant, il semble qu’on y retrouve une idée très romantique selon laquelle la France aurait développé des technologies de la communication innovante (ce qui est vrai), mais que collectivement nous aurions gâché nos opportunités. Souvent, la faute incomberaient à nos élites, pas assez visionnaires ; elles négligeraient voire empêcheraient le développement d’innovations majeures.
Hélas, inventer/concevoir des briques technologiques n’est pas une condition suffisante.
Il nous faut penser écosystème, intégration dans un tout plus vaste.
Quand je dis « nous », je ne parle pas seulement de nos gouvernants. Je parle de tout un chacun. Les ingénieurs. Les chefs d’entreprise. Les citoyens.
Notre culture d’ingénierie est câblée pour construire, pas pour exploiter.
Pour reprendre les 3x de Kent Beck, explore-expand-extract, je dirais que nous sommes très bons dans la phase d’exploration.
Notre système est moins efficace pour la phase 3 l’exploitation massive de la valeur créée (extract), et encore moins pour la phase 2, la généralisation (expand). Dans le meilleur des cas, nous tentons de passer à la phase extract (par exemple avec le minitel), avant la dissémination. Il nous manque alors un chainon important, une capacité à développer dans la phase 2 d’expansion.
Ce n’est pas une fatalité. Il nous faut penser en termes d’écosystèmes. Imaginer comment chaque composant peut s’appuyer sur un existant et fournir de la valeur à d’autres composants et d’autres acteurs.
Comme par exemple avec l’open source, secteur du logiciel dans lequel nous sommes très performants, penser écosystème, c’est penser expand avant extract. Ne pas chercher à tirer le maximum d’une innovation isolée, mais penser système, penser collectif.
Vouloir extraire la valeur trop tôt, avant la dissémination, tue la dynamique, casse le cercle vertueux.
En tant que chef d’entreprise technologique, cela veut dire se placer dans une dynamique de coopétition plus que de compétition.
A-t-on raté la création et la domination d’Internet ? Aurions-pu avoir une place plus importante sur ce réseau ? Certainement, mais nous étions aussi loin, très loin, d’être en position de transformer notre excellence technologique en un système mondial ouvert.