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Vie argentique


Fiction   •   11 décembre 2021

Cette nouvelle a été écrite et diffusée en épisodes pour les lecteurs du Flow (épisodes #92, #93, #94 et #95).

Elle a ensuite été éditée et intégrée dans mon  le recueil de nouvelles Contes de Silicium.

Voici sa version d'origine, avant le travail dédition effectué pour le recueil.


#1

Edgar fixe le visage d’Émile Zola. Il semble sortir d’un long sommeil. La Belle au Bois Dormant, telle qu’on l’imagine au réveil, le malaise du baiser en moins. Son regard est rempli de détresse. L’écrivain tourne ensuite la tête, comme pour s’orienter dans un lieu inconnu. Il cligne des yeux, derrière ses minuscules lunettes en équilibre précaire sur son nez. Il entrouvre la bouche, s’apprête à parler. L’attente est longue. Edgar est suspendu à ses lèvres, mais rien ne vient. Émile Zola semble se raviser, puis reprend sa posture, répète sans fin ses mimiques gênées. Il parait s’ennuyer. Edgar s’attend à le voir tirer sur la chaine qui pend de son veston pour jeter un œil à sa montre gousset. Le photographe lui a certainement demandé de prendre la pose. Il a poussé la patience du sujet à bout, la séance s’étire vers l’éternité. Émile Zola est un homme pressé. Sa tribune vient de paraitre. « J’accuse ! » Le Tout-Paris ne parle que de lui. Il a d’autres choses à faire.

Edgar esquisse un sourire. Il est satisfait du résultat. Bien sûr, ce n’est qu’une première étape vers la vie synthétique, mais c’est un début, un fil tenu auquel se rattacher pour continuer ses expériences. Cet Émile Zola est criant de vérité. Quelques secondes de vie lyophilisée, réhydratée. Cela valait le temps passé sur son programme.