Macrocosme. La ville était devenue un sombre miroir de l’humanité. Elle avait avalé le monde, englouti les communautés, digéré les individus. Elle engluait tout. Un monde de gratte-ciel, qui tutoyait les étoiles, mais anéantissait les rêves. Un monde sans horizon qui brouillait les repères. La ville était le réseau, le réseau était la ville. Un réseau pour les endormir tous, songea Elroy.
Elroy avait appris à déjouer les codes. Lorsque chacun n’est que quantité négligeable, il devient possible de se fondre dans la masse, de se cacher dans les statistiques. Elroy était devenu une erreur d’approximation pour le système. Il avait appris à disparaître dans l’arrondi, au-delà de la troisième décimale.
Anonyme, il aimait parcourir la ville, pour chaque fois la redécouvrir : une ville lumière, à l’intensité aveuglante, avec ses néons clignotants, ses écrans géants racoleurs, une capitale du paraître qui avait réduit femmes et hommes à un asservissement tapageur, une prison sans barreau, dans laquelle chacun est à la fois prisonnier et maton.