C’est fou comme on peut oublier ses progrès. Ce n’est pas qu’on est trop dur avec soi-même, mais plutôt qu’on a les yeux rivés vers l’horizon, l’hypothétique point d’arrivée, cet endroit où l’on aimerait déjà être.
Alors, on ne prend rarement le temps de s’arrêter pour se retourner, un moment pour regarder ce qu’on a fait et se dire « Pfiu, c’est pas si mal, non ? ». Quand on le fait, on a tendance à prendre le passé pour acquis (et ça l’est), voire même à se dire « j’aurai peut-être pu faire mieux, plus vite, non ? ». On est critique envers soi-même parce qu’on est impatient. Je vous le dis tout de suite, ça ne fonctionne pas comme ça.
Il faut dire que le cynisme ambiant n’aide pas. Sur les réseaux sociaux, ça flingue à la moindre erreur, à la moindre imprécision, au moindre lapsus. La tolérance a pris un sérieux coup dans l’aile, on ne sait plus se parler, surtout si l’on n’est pas d’accord. Le monde se crispe. Il s’est rigidifié. Le goût du sang et l’addiction à la colère l’emportent. Cette forme de nihilisme, on la subit de plein fouet sur Internet. Dès qu’on s’expose, on trouve toujours quelqu’un pour venir nous rabaisser ou nous insulter. Il n’est pas facile d’avancer si chacun guette les erreurs des autres.
Et puis parfois, le hasard nous met sous les yeux l’évidence de nos progrès, et ça fait du bien.