Hello les amies,
Après une semaine de folie lié au lancement des Amazonies Spatiales, j'ai pu retrouver le calme et le plaisir de l'écriture à Biarritz, où je me suis isolé pour travailler sur mon roman.
C'est donc reparti pour la suite de la Plaie. Pour vous remettre dans l'ambiance ou rattraper votre lecture, voici les liens vers les épisodes précédents :
- La Plaie - Épisode 1 – Le Flow #148
- La Plaie - Épisode 2 – Le Flow #149
- La Plaie - Épisode 3 – Le Flow #150
- La Plaie - Épisode 4 – Le Flow #151
- La Plaie - Épisode 5 – Le Flow #152
- La Plaie - Épisode 6 – Le Flow #153
- La Plaie - Épisode 7 – Le Flow #154
Je vous laisse avec Marie-Claire Renard. Bonne lecture !
La Plaie - Épisode 8
Les Rats
Marie-Claire Renard n’aimait pas qu’on lui force la main. Quand Alexander Karpathi l’avait mise devant le fait accompli, elle s’était levée pour contenir son agressivité. Elle avait déserté le champ de vision de sa webcam pour d’abord faire les cent pas. De l’autre côté de la connexion, Karpathi ne voyait sur son écran qu’un fauteuil vide au cuir un peu passé. Il n’entendait plus que la voix cassante de Marie-Claire, dont la clarté oscillait au rythme de ses allers et retours devant les vitres blindées de son bureau de Levallois-Perret. Karpathi ne s’en formalisa pas, trop content de sentir qu’il avait pris l’ascendant. Le son se stabilisa enfin, il se dit que Marie-Claire avait dû s’immobiliser. Ce qu’il ne voyait pas, c’est que si Marie-Claire Renard s’était en effet arrêtée, c’était pour céder à l’une de ses manies. Elle avait attrapé le cutter qui traînait sur le plan de travail et utilisait sa lame tranchante pour se livrer à son passe-temps favori. Ses collègues pouvaient en témoigner, quand la rage la submergeait, elle passait ses nerfs sur l’une de ses plantes vertes. Cette fois, elle découpait une à une les feuilles de son ficus géant. Elle n’écoutait plus alors son interlocuteur que d’une oreille distraite, son attention avalée par les gestes précis de sa lame courant sur la fragile matière végétale, tranchant de petits lambeaux fins entre les veinures de sa pauvre victime, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un ridicule et désespérant squelette. Ses collègues savaient alors à quoi s’en tenir. Dans les jours suivants, les longues tiges dénudées servaient d’avertissements à tous ceux qui se joignaient à une réunion dans son bureau. Ils se passaient le mot, il fallait prendre Marie-Claire avec des pincettes. La sinistre ossature de branches restait là jusqu’à ce que lesdits collègues supplient les services généraux de remplacer enfin la plante sacrificielle.
Oh certes, ce jour-là, Karpathi avait été malin. L’homme s’était pointé avec la solution toute prête, servie sur un plateau, il livrait le poison, une nouvelle cataclysmique pour la République, avec son antidote. Il s’était même payé le luxe d’être avenant. Faute d’une meilleure solution, Marie-Claire avait regagné son siège, lui avait souri en retour et bu la coupe jusqu’à la lie. Elle avait accepté la proposition de l’homme, sans même entrevoir une alternative.
C’était il y a deux semaines. Ce soir, dans la salle de commandement enfouie dans le sous-sol ultra-sécurisé d’un obscur bâtiment parisien, le moment était venu de payer le prix de son pacte avec le « démon des Carpates », comme elle appelait le chef d’entreprise. Karpathi était en réalité d’origine hongroise – rien à voir avec Dracula – mais la sonorité de son nom et sa réputation de prédateur lui valait ce surnom peu amène que tout le monde employait dans son dos.
En cas de menace majeure, la procédure mise en place par Marie-Claire exigeait de se retrouver dans un des dix centres de contrôle parisien de la DGSI, la Direction Générale de la Sécurité Intérieure. Ces salles se situaient dans des bunkers souterrains et secrets, dans des lieux à l’épreuve des bombes, et dans une certaine mesure, capables de résister aux attaques chimiques et aux radiations. Lorsqu’on l’avait rappelée pour lui signaler les attaques terroristes qui visaient Paris, elle avait choisi le siège de l’ANSSI, l’agence en charge de la sécurité des systèmes d’information. Récemment, toutes les attaques physiques s’étaient accompagnées d’offensives massives sur l’informatique de l’État. Elle avait choisi cette fois de prendre les devants, et pour écarter le risque de paralysie, de rassembler les équipes dans le saint des saints de la cybersécurité. Plus que les murs épais de la salle de contrôle, c’était ses pare-feux qui l’intéressaient.
Ce vendredi soir, elle avait quitté le boulot plus tôt qu’à l’accoutumée, pour une soirée entre amis. Son chauffeur l’attendait comme toujours à proximité, il avait récupéré Marie-Claire juste après l’alerte. Le visage fermé de sa patronne l’avait inquiété. La situation n’était pas bonne, à l’évidence. Marie-Claire trépignait à l’arrière du véhicule. Elle n’avait rien à découper. Le chauffeur s’était frayé un chemin dans la circulation dense du début de week-end, à coup de gyrophare, de sirène et de slalom entre les conducteurs agacés. Quelques minutes plus tard, ils passaient devant la tour Eiffel et remontaient les quais à contresens, escortés par les motards qui les avaient rejoints. Ils passèrent devant le siège de l’ANSSI sur le front de Seine. La forme du bâtiment, une sorte de triangle qui s’étageait en espaliers, lui donnait un air de MI5 un peu cheap. L’endroit ne payait pas de mine, mais ses sous-sols cachaient un des endroits les mieux sécurisés de Paris, le plus résistant aux cyberattaques. La voiture s’engouffra dans le parking souterrain. Le chauffeur déposa Marie-Claire devant l’enceinte blindée. Deux gardes armés ouvrirent la lourde porte pour l’accueillir, elle se précipita à l’intérieur, pour s’enfoncer dans un long couloir désert, éclairé d’une rangée de néons froids. Les talons de ses escarpins claquaient contre le sol en béton. Elle badga pour passer une nouvelle porte, tout aussi imposante que la première. Derrière, elle fut emportée par l’agitation, tout le monde courait dans des directions improbables, sans concertation, s’évitant par miracle, comme coordonnés par un virtuose metteur en scène. Moreau l’attendait, elle serra les lèvres en se demandant comment il avait pu arriver avant elle.
— Ah, vous êtes déjà là, vous ?
— Oui, j’ai été prévenu plus tôt. Je voulais évaluer la situation, avant de vous déranger.
— J’espère que vous n’avez pas trop tardé, Olivier.
Il marchait à ses côtés, sa démarche robotique paraissait plus raide qu’à son habitude. Marie-Claire jeta un œil à la main qui tenait ses dossiers. À l’intérieur, il ne devait pas y avoir plus que la demi-page de briefing qu’il devait avoir préparé. Ses doigts étaient crispés, ses phalanges blanchissaient comme à chaque fois qu’il tentait de lui cacher une mauvaise nouvelle. Elle ne tourna pas autour du pot.
— Allez-y, crachez le morceau.
Il ne parut pas surpris de l’aboiement de sa cheffe. Il marqua un temps d’arrêt, comme pour chercher ses mots. Sa formulation directe trancha avec son embarras.
— Le général de Bauffremont est déjà là. Il vous attend dans la salle de crise.
Marie-Claire s’arrêta net, tourna les épaules pour fusiller son collaborateur du regard, souffla bruyamment et reprit sa marche en accélérant le pas. Sa jupe serrée l’empêchait de faire de grandes enjambées, mais elle compensait son allonge par une sorte de trépignement rapide qui avait dû faire d’elle une redoutable adversaire dans les courses de sac de son enfance. Elle stoppa devant la porte afin que Moreau la rattrape pour lui ouvrir, comme si toucher la poignée risquait de la crédibiliser aux yeux de ses interlocuteurs. Son assistant poussa la porte et s’écrasa contre la cloison pour la laisser passer. Elle entra sans un bonjour, en prononçant simplement le mot « brief ! » étouffé par son claquement de langue. Elle fut soulagée de voir que hormis le général des armées qui l’avait devancé, la salle était quasi vide. L’effectif était loin d’être au complet, elle n’était pas la dernière, son honneur était sauf. Elle se plaça au centre de la table en demi-cercle, face aux écrans de contrôle, en écoutant Moreau qui avait commencé à lui lire sa demi-page. Attentats au Stade de France, fusillade sur le canal Saint-Martin, prise d’otages au Bataclan. Point.
— C’est tout ?
— On attend encore les remontées de terrain.
— Vous vous foutez de moi ? Il y a rien de neuf par rapport à l’appel qui m’a tiré de mon dîner. C’était il y a trente minutes.
— Tout est un confus. Ils recoupent les informations.
Moreau disait « ils », mais voulait dire « on ». Il ne pouvait pas tout faire.
Marie-Claire fit alors semblant de découvrir le général installé à l’extrémité de la table à sa gauche.
— Ah, général de Bauffremont !
Elle ne termina pas sa phrase, son ton ironique laissa planer le doute sur ce qu’elle cherchait à exprimer. Elle se plongeait déjà dans l’observation exagérément minutieuse des informations affichées sur les écrans de contrôle. Elle se cachait derrière ce même air impassible, ce masque presque effrayant qu’elle portait en toute occasion. Une poker face imperturbable. Marie-Claire n’était pas joueuse, pas au sens où on l’entendait. Elle était politique – comment aurait-elle pu se hisser à la tête de la DGSI sans cela ? – et le pouvoir qu’elle avait retiré de sa situation suffisait à lui donner son shoot d’adrénaline quotidien. Personne ne pouvait dire merde à la Sécurité Intérieure, certainement pas le Premier ministre, pas même le Président de la République. Elle était le dernier rempart face au chaos, la sécurité des citoyens était à ce prix. Tous s’accommodaient de ses excentricités.
Un conseiller dont elle avait oublié le nom fit irruption dans la pièce et la tira de ses réflexions avec les fameuses remontées du terrain.
— Madame Renard ? L’attentat au Stade de France est maîtrisé.
— Bilan ?
— Un blessé léger, les trois terroristes sont neutralisés.
Enfin, une bonne nouvelle.
— Morts ?
— Oui, isolés et encerclés, ils ont déclenché leurs ceintures d’explosif. Ils ne cherchaient plus à tuer, juste à éviter d’être capturés.
Si la nouvelle la rassura, son visage n’en laissa rien paraître. Elle regrettait toujours qu’on ne puisse pas faire un meilleur exemple de ces hommes, avec un procès retentissant. Cette fois pourtant, elle appréciait qu’un front se libère pour pouvoir se concentrer sur le plan de Karpathi. Elle ramena son attention sur le mur d’écran face à elle, pendant que des interlocuteurs venus de différents ministères prenaient place à mesure des arrivées. Ils dévisageaient ceux qui étaient déjà là. Marie-Claire devinait leur frustration de n’être pas les premiers dans la salle. Elle réprima un sourire.
Sur le plus grand écran, au centre du mur de contrôle, un plan détaillé de Paris soulignait les points chauds. La ville y était divisée en quatre zones. Le plan de sécurité nationale prévoyait que les forces ne pouvaient être toutes envoyées sur site en cas de menace directe. La crainte d’attaques coordonnées était la base de la prudence, il fallait garder une capacité de riposte pour ne pas se laisser surprendre. Impossible d’engager toutes les forces dans la bataille, il était critique de pouvoir anticiper une escalade. Marie-Claire poursuivit son évaluation de la situation. Elle pointa l’espace en haut à droite.
— Et la BRI ? En route pour le quart nord-est ? Ils arrivent sur site dans combien de temps ?
Moreau était sorti de la salle. L’adjoint au nom inconnu répondit. Marie-Claire se dit qu’elle demanderait son nom à la prochaine occasion, il était efficace, ce petit.
— ETA moins de 5 minutes.
— Les équipes de réserve sont mobilisées dans les autres quarts ?
— Oui, toutes déployées. On les garde sous le coude.
L’adjoint de Marie-Claire revint enfin dans la salle. Elle l’interrogea directement sur le moral des troupes.
— Tout le monde est prêt ?
— Prêt ? Oh oui, tout le monde est au point, mais il y a du bon et du moins bon. L’ironie du sort a voulu que nous ayons simulé et répété une attaque similaire ce matin. Vous avez eu du nez en exigeant d’accélérer la formation. Les bons réflexes sont ancrés dans les esprits. Ils sont prêts, comme vous dites, le moral est bon, ils sont rassurés par les exercices, mais la journée a été éprouvante, la BRI est fatiguée. Ils ne vont pas tourner autour du pot longtemps et vouloir jouer la guerre d’usure. Ils prévoient de donner l’assaut rapidement.
Le général de Bauffremont en profita pour sortir de sa réserve.
— Madame Renard, que vous a valu la fulgurance de cette préparation à point nommé ? Avez-vous des rapports de vos services à nous partager pour éclairer vos choix ?
Nous y voilà, c’était le moment qu’avait choisi le général pour tenter de reprendre la main. Marie-Claire pesa longuement ses mots avant de répondre.
— L’éventualité de l’attaque nous avait été signalée par nos « réseaux ». Nous n’avions pas d’information précise, bien sûr. Nous avons identifié une forte hausse des métriques quantitatives, un regain d’activité dans le nombre de messages ou d’appels des personnes sous surveillance, ainsi qu’un nombre de déplacements inhabituels. Rien de concret, mais c’est suffisant, pour réévaluer notre seuil d’alerte.
Elle croisa le regard de Moreau, il s’en détourna rapidement. Il ne fit aucun commentaire, mais il savait qu’elle bluffait. C’est tout ce qu’elle pouvait révéler. Elle ne pouvait pas en dire plus sur sa source, sans griller Karpathi. Et sans se perdre, elle, dans des justifications sans fin.
Le général ne lâcha pas le morceau.
— Je serai intéressé de pouvoir consulter ces rapports quantitatifs. C’est une méthode de travail dont nous pourrions avoir beaucoup à apprendre, aux armées.
— Mais avec plaisir, général.
Elle avait répondu avec un empressement suspect, mais l’attention des dix personnes réunies autour de la table fut détournée par la voix du Premier ministre. Son visage était apparu sur l’un des écrans de contrôle. Il fut rapidement rejoint par le ministre de l’Intérieur, sur le moniteur d’à côté. Marie-Claire, trop heureuse de trouver une échappatoire, les salua avec une chaleur inhabituelle. Elle leur partagea les informations dont elle disposait, en insistant sur la situation maîtrisée au Stade de France. Le point de non-retour approchait, le moment de prendre sa décision critique. Marie-Claire en profita pour préparer le terrain.
— La situation reste délicate au Bataclan. C’est là que nous concentrons nos efforts. La BRI sera sur place d’une seconde à l’autre. Ils voudront intervenir rapidement, ne pas laisser le siège s’éterniser.
Elle reprenait les mots de Moreau. Le Premier ministre s’agita sur sa chaise. Il tenta de calmer le jeu.
— Nous allons essayer de comprendre leurs revendications, non ?
— Monsieur le premier Ministre, je ne vais pas vous faire l’affront de vous rappeler que nous ne négocions jamais. Il faut terroriser les terroristes. C’est la position officielle, depuis toujours. En l’occurrence, il ne faut pas leur laisser le temps de s’organiser.
Marie-Claire Renard avait retrouvé la fermeté de ton qui ne laissait aucune place à la discussion. Le Premier ministre lui renouvela sa confiance, merci monsieur le Premier ministre, tenez-moi au courant en temps réel, bien sûr monsieur le Premier ministre. Clic. Fin de la conversation.
Le calme était revenu dans la salle. Marie-Claire Renard avait décidé en un clignement de paupières devant les écrans de visio-conférence redevenus noir. Elle était connue pour son intuition digne des meilleurs généraux. Elle avait gravi les échelons sur des coups de dés. Jusqu’ici, elle ne s’était jamais trompée. Ses opposants attendaient dans l’ombre le moindre faux pas, les hyènes étaient prêtes à la dévorer. C’est le goût du sang qui avait attiré le général de Bauffremont dans la salle. Bien sûr, l’opération n’était pas du ressort de l’armée, mais Marie-Claire n’avait pourtant eu d’autre choix que de l’accueillir, les forces spéciales pouvaient être amenées à intervenir si l’opération tournait au fiasco. Pourtant, Marie-Claire savait qu’elle ne faillirait pas, pas cette fois, elle ne donnerait pas ce plaisir à cet arriviste, surtout là, à ce poste, en hommage à son général de père. Le moment était venu de placer sa mise sur la carte de Paris, tapis vert improvisé, théâtre d’un plan éminemment risqué. Elle n’eut pourtant aucun doute. Karpathi ne pouvait déployer son dispositif qu’à un seul endroit. C’était là, autour du Bataclan, que tout se jouerait. Elle envoya un SMS à Karpathi. « Les Rats vous attendent à République, à vous de jouer, vous avez peu de temps pour vous déployer. Très peu. »
Les « Rats » c’étaient le nom qu’ils donnaient à l’équipe souterraine de la sécurité intérieure, une brigade spécialisée dans les interventions en sous-sol. L’escouade avait été créée en réponse à l’attentat de 1995 à Saint-Michel. Catacombes, égouts, métro, tunnels, ils connaissaient comme leur poche le gruyère qui s’étendait sous la capitale. Ils pouvaient surgir des endroits les plus inattendus, ils avaient par exemple neutralisé un fou qui avait détourné un métro. L’incident avait été étouffé, car leur existence était jusqu’à présent l’un des secrets les mieux gardés de la République. La surprise, c’était la doctrine de Marie-Claire Renard, la marque qu’elle comptait laisser dans cette institution conservatrice. Et pour surprendre, il faut parfois tordre les règles, elle l’assumait parfaitement. À voir son sourire dans cet instant de tension, on aurait pu même croire qu’elle s’en délectait. Elle s’était appropriée le plan de Karpathi pour corriger la faute impardonnable de sa société, et elle comptait le jouer jusqu’au bout, tout à son avantage. Quitte à lui réserver, à lui aussi, une surprise de son cru.
Elle donna ses instructions dans la salle de commandement.
— On lâche les Rats. Envoyez la meute dans les sous-sols autour du Bataclan. Ils accompagneront le déploiement d’un dispositif de sécurité spécial. Secret défense, je ne peux vous en dire plus, mais ils sont au courant. Allez, c’est parti !
— Secret défense ? J’ai le droit d’en savoir plus, Madame Renard, protesta de Bauffremont.
— Mais bien sûr, général. En privé. Je vais vous briefer.
Marie-Claire Renard effectua un moulinet de la main, qui acheva de lancer les opérations. Moreau s’éclipsa, suivi par une nuée de conseillers de différents grades, pour aller distribuer les instructions au « terrain », comme on appelle ceux qui mouillent leur chemise et parfois risquent leur peau.
Un calme inattendu régna pendant un moment dans la salle. Sur les écrans, de nouveaux éléments s’affichaient pour mettre à jour les éléments tactiques de la crise. Les troupes prenaient position et attendaient le moment opportun pour prendre l’avantage, l’instant, dans toute bataille, où les deux camps se toisent, se jaugent dans une sorte de danse macabre, dans lequel le premier qui abat ses cartes dévoile ses intentions et décide de l’issue des combats. Dans cette masse d’informations qui se rafraîchissait en permanence, Marie-Claire repéra une anomalie.
— Et là, qu’est-ce qu’ils foutent encore là ? Pourquoi la BRI n’est pas encore sur site, bordel !
— Retard à l’allumage, précisa une femme qu’elle ne connaissait pas. On a eu du mal à rassembler toute l’équipe après les exercices de la journée.
Dans sa poche, son téléphone vibra. Un message éphémère de Karpathi s’afficha. « Équipe bien arrivée. On passe sous la place de la République. » Parfait. Le répit donné par le retard de la BRI jouait en sa faveur.
Lorsqu’Olivier Moreau revint dans la salle de commandement, la question du poste tactique avancé et de l’hôpital de fortune pour les blessés graves se posa.
— Place de la République, c’est le mieux, plaida-t-il. C’est suffisamment vaste pour mettre le PC et les premiers soins.
— Pas question, c’est trop proche des tensions autour du quai de Jemmapes. On met le PC près du Bataclan, sur le canal couvert, et les soins à Bastille.
— Bastille ? C’est beaucoup trop loin !
— Les pompiers et le SAMU feront la navette. On bloque la circulation, et on fout des « nids » pour ceux qui ne peuvent être déplacés, dans les cafés alentour.
Olivier Moreau fut déstabilisé, mais comprit que Marie-Claire avait clos le débat.
— Bien compris, Madame. Je vous préviens dès que nous sommes installés dans le PC. Vous pourrez nous y rejoindre.
Dans une autre situation, elle se serait rendue sur place. Pas cette fois. La menace était trop grande, trop réelle, trop violente. Trop définitive. Elle se résolut à laisser Moreau gérer seul les opérations tactiques.
— Moreau, j’ai une totale confiance en vous. Je reste ici avec le général de Bauffremont, nous allons nous occuper de rassurer les ministres.
Olivier Moreau s’inclina pour la remercier de l’honneur qu’elle lui faisait. Marie-Claire eut un pincement au cœur. Alors qu’il s’avançait pour lui serrer la main, elle le remercia d’une accolade, une marque d’estime inhabituelle chez elle. Elle ne le reverrait peut-être pas. La sécurité nationale est à ce prix. Chacun sait ce qu’il risque dans ce métier, essaya-t-elle de se convaincre.
À suivre…
La dose de flow
Musique
J’ai déjà parlé ici de Fanzine, l’extraordinaire émission musicale de Waxx et C.Cole. Ce que j’avais raté, c’est qu’ils ont enregistré un épisode avec pour invitée Izïa, une artiste dont je suis un grand fan.
Alors, cette rencontre, ça donne quoi ? Eh bien, un moment totalement magique, certainement le meilleur épisode de Fanzine. La voix d’Izïa est incroyable, elle s’engage à fond dans des interprétations d’une sincérité bouleversante et c’est pour moi un épisode à voir et surtout à écouter absolument.
À suivre
Voilà, ma semaine d’écriture biarrote – que j’aime cette sonorité ! – s’achève. J’ai terminé le brouillon de ma première partie et attaqué la deuxième phase de mon histoire. Le mode de narration change complètement, donc il me faut un temps d’adaptation pour retrouver le ton juste, mais ça avance !
J’espère que ce que je vous ai préparé va vous plaire.
En attendant, je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏