Hello les amies,
J’interromps mon programme habituel pour vous partager un texte écrit pour la résidence d’écriture Amazonies Spatiales. À partir de discussions et d’idées de la communauté (Merci à Ante Mori et Jean-Marc M.C.), voici un texte sur la visite d’une ville sur une autre planète. Nous sommes partis de la consigne suivante :
Vous venez d’atterrir sur une planète appelée : Sency.
Une vaste étendue de sable couvre une bonne partie de ce nouvel astre.
De prime à bord, la planète semble inhabitée. Vous vous séparez en petit groupe et décidez d’aller explorer.
Après plusieurs heures de voyage à bord du véhicule automatisé XP30, vous arrivez aux abords de ce qui peut ressembler à une ville.
En descendant du XP30, un être vivant vous accueille.
Grâce à votre casque nouvelle génération, ses paroles et les vôtres sont traduits automatiquement pour faciliter vos échanges.
« Bienvenue à Sohn. Je m’appelle Jou. Nous avons beaucoup de visite venant de planète extérieure ces temps-ci.
Enfin bref, je suis le fils du dirigeant de cette ville, je peux vous faire visiter si vous le souhaitez. »
Votre petit groupe acquiesce.
Après 4 h de visite, les groupes d’explorateurs se retrouvent à la station aux abords du « centre ville ».
Tous les groupes se réunissent autour de la grande table occupant la pièce de vie et chacun débriefe son aventure.
Prêt pour le décollage ?
C’est parti !
Sency
Cela n’aurait pas dû être moi, cette nuit-là. Je ne suis qu’un technicien de maintenance, j’assure les permanences. Tout ce qu’on me demande c’est de surveiller les signaux, de les analyser, et de donner l’alerte lorsque c’est important. Pourquoi est-ce qu’alors j’ai gardé l’info pour moi ? Pour la gloire ? Sûrement pas, je n’ai tiré de mon expédition aucun avantage personnel, bien au contraire.
Toujours est-il que je n’ai rien dit quand j’ai capté le signal, j’ai pris le temps de vérifier mes calculs et puis, quand j’ai compris de quoi il s’agissait, je n’ai pas hésité. J’ai enfilé la combinaison comme je l’ai vu faire des dizaines de fois, et je me suis installé dans le sas. J’ai lancé le début de la procédure d’exploration. C’est à ce moment qu’un léger doute m’a traversé l’esprit, la réalité m’a rattrapé, j’étais loin d’être prêt pour les découvertes qui m’attendaient sur Sency. Bouffés de chaleur. Souffle court. J’ai répété dans ma tête en boucle les instructions que le module d’expédition m’avait présentées, le briefing de mission. Engoncé dans une combinaison que je n’avais jamais utilisée, je cherchais mes marques, mes sens étaient anesthésiés, tout me parvenait comme étouffé au travers de mon casque. J’ai ouvert la bouche pour parler, aucun mot n’en est sorti alors, mes cordes vocales semblaient comme engourdies après un trop long sommeil. Cela ne m’a pas trop inquiété. Peu importe au final, puisque mon traducteur automatique se chargerait de la vocalisation lors d’une rencontre avec la population de Sency.
La voix métallique de l’ordinateur de bord me rappela à l’ordre : « Fermeture de la fenêtre d’exploration dans 15 minutes. » Il me débita ensuite ses hypothèses, sortie de 5 h, bla bla, avec un retour avant la nuit. C’était le seul paramètre critique. L’échéance me fit l’effet d’une décharge, je ne voulais pas rater cette opportunité. Une surdose d’adrénaline afflua dans mes veines. Je me raidis d’un coup. Plus tard, je me suis demandé si l’ordinateur ne m’avait pas réellement injecté une substance stimulante. Je pressai l’énorme bouton rouge, immanquable point de non-retour. Un bruit de buzzer me fit sursauter, un compte à rebours s’afficha sur mon système de visée. La pression monta d’un cran, je fermai les yeux. Lorsque je les rouvris, je fus d’abord ébloui par la lumière crue se réfléchissant sur le sol de la planète, un sable gris, brillant comme un miroir. Je pris alors conscience que je ne respirais plus. Je me forçai à avaler une grande goulée d’air. Sa fraîcheur agréable m’emplit les poumons, l’atmosphère était respirable. Son taux d’oxygène renforcé me fit un peu tourner la tête.
Je quittai la capsule par la rampe métallique pour rejoindre ce bon vieux XP30. Lui, au moins, je le connaissais. Le véhicule m’attendait, la destination, le point de rendez-vous que j’avais reçu, était déjà programmée dans son système de navigation. À peine assis à l’intérieur, la porte se referma dans un délicat chuintement, et le véhicule se mit en mouvement avec le sifflement électrique d’une voiturette de golf.
Le trajet fut bref, mais fort ennuyeux, rien à se mettre sous les yeux, juste des dunes de sable brillant à perte de vue. Les vitres fumées du XP30 rendaient la luminosité tolérable, mais j’appréhendais le moment de la sortie. Je m’occupais en observant le caractère changeant des reflets sur les dunes. Avec le mouvement, il me semblait apercevoir des vagues, un flux et un reflux, comme si cette planète respirait. Le véhicule s’arrêta et la porte s’ouvrit automatiquement. Je sortis en plissant les yeux. J’avais l’impression d’être seul. Le sable craquait étrangement sous mes pas, absorbés par une matière qui paraissait vibrer sous mes pieds. Le sentiment d’amorti moelleux me donnait le vertige. Le monde oscillait autour de moi, comme après un long voyage en mer, lorsque l’on repose le pied à terre et qu’on ne parvient plus à savoir ce qui est stable et ce qui est mobile. Après un moment, lorsque mes pupilles furent adaptées à la violente lumière, je pus distinguer une silhouette venant à ma rencontre.
L’être qui s’avançait ne semblait ni répugnant ni hostile. Il s’exprimait dans un dialecte qui m’évoquait le bruit d’une crécelle. Calmement, je l’écoutai, hypnotisé par le rythme irrégulier de ses claquements de langue. Mon traducteur prit le relais immédiatement :
— Bienvenue à Sohn. Je m’appelle Jou. Nous avons beaucoup de visites venant de planètes extérieures ces temps-ci. Extérieure à notre univers, ceci dit, la plupart du temps.
Je ne relevai pas l’incohérence. Ce satané traducteur avait encore parfois du mal avec les nuances des langues les plus exotiques. Jou reprit :
— Je vous souhaite la bienvenue. Je suis le fils du dirigeant de cette ville, je peux vous faire visiter, si vous le souhaitez.
— Je m’appelle Thomas et vous remercie pour votre accueil. Je m’excuse si mon traducteur est défaillant, il m’a parlé d’une ville, alors que nous sommes en plein désert. J’avoue ma confusion.
Le crépitement dans sa voix s’accéléra, formant un flux de tressautements qui m’évoqua un rire. Mon traducteur ignora l’information, mon hôte continua :
— Ce que l’on peut voir d’ici est trompeur, voyageurs. Regardez.
L’individu se pencha en avant. C’est à ce moment que je pris conscience de sa morphologie humanoïde proche de la nôtre. Jou était un bipède dont l’enveloppe charnelle semblait avoir été conçue pour nous ressembler. Il étendit son long bras et remonta une fine poignée de sable dans le creux de sa main qui ne comportait pas de doigts visibles. Ses articulations étaient entièrement masquées, par des lambeaux de peau, à la façon d’un palmipède. Il correspondait à ce que j’avais lu de la physionomie des légendaires Atlantes sur notre planète. Quelques secondes s’écoulèrent. Les grains de sable se déplacèrent alors pour former une figure circulaire, au centre duquel se dessinaient de parfaits rayons.
— C’est le symbole de la paix ici, commenta Jou. Le sol autour de nous est composé de nanobots, des robots minuscules qui peuvent agir en symbiose avec les habitants de Sohn. Ils nous rappellent que nous sommes tous des grains de sable dans l’immensité des univers.
— Vous avez contrôlé cette forme par l’esprit ?
— Oui, involontairement. Les nanobots ont senti ma volonté et anticipé mes désirs.
— Et la ville ?
— Suivez-moi.
Mon interlocuteur fit volte-face et je me plaçai à ses côtés. Nous fîmes quelques pas, et soudain une ville émergea, des bâtiments s’élevèrent, reflets holographiques de la réflexion solaire sur ce sol robotique. Des habitants jusqu’ici invisibles prirent vie autour de nous. Je me retrouvai instantanément plongé dans l’agitation d’une grande capitale. Le bruit, crépitements de ses habitants discutant entre eux, devint envahissant. Un groupe me bouscula, je m’excusai, complètement désorienté. J’avais compris pourquoi la ville avait toujours été invisible à nos sondes d’exploration. Elle ne se révélait qu’en foulant son sol haptique et holographique. Dans la folie de cette capitale animée, je me concentrai sur une chose, ne pas perdre Sou de vue.
Il m’attendit patiemment avant de poursuivre, il semblait habitué à servir de guide aux visiteurs.
— Nous sommes ici dans le quartier administratif. C’est là que se trouve notre gouvernement, mon père y travaille. C’est aussi l’endroit qui nous relie aux autres univers.
— Je suis désolé, mon traducteur me fait encore défaut. Qu’appelez-vous les univers ?
— Votre traducteur fonctionne bien, visiteurs. Regardez ce bâtiment.
Il pointa du doigt une tour qui montait vers le ciel. Je ne parvenais pas à en voir le sommet. Elle me fit pourtant une étrange impression. Son architecture était très disparate, chaque étage semblait avoir été conçu par un architecte différent. Un sentiment de vertige me gagna alors que je levai les yeux.
— Sohn est bien le centre des univers. Un point d’intrication quantique, unique dans chacun des univers, qui sert de passerelles, une forme de pont multidimensionnelle qui nous permet de dépasser notre horizon cosmologique. Ici, à Sohn, nous pouvons voir tous les Sency qui existent, tous les habitants du multivers peuvent s’y retrouver et s’y parler. C’est un point de rencontre.
» Mon peuple a débarqué il y a bien longtemps sur cette planète, inhabitée mais habitable, étrangement propice à accueillir la vie, une oasis qui ne demandait qu’à prospérer. Nous avons décidé de construire un refuge ici, un point de convergence galactique. Lorsque les travaux furent terminés, l’impensable s’est produit. La ville s’est transformée, le monde a basculé, des milliers de civilisations inconnues se sont révélés. Les premiers explorateurs de Sency ont reproduit comme par magie une ville “clé”, une cité jumelle à celle des autres univers dans lequel cette planète existe, un environnement identique et commun à tous les univers parallèles du multivers.
» Cette planète est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, un bien commun. Sa découverte a été l’aboutissement logique de notre propre exploration spatiale. Nous nous sommes retrouvés dans cette Babel, capable de faire se rencontrer les différentes civilisations, de leur donner un espoir, et un but collectif, sans compétition. C’est un point de passage dans lequel tous les mondes se comprennent et s’entraident. Chacun y vient en devenant ce qu’il a toujours été, ce qu’il représente fondamentalement dans son univers. Ici, nous sommes tous nus.
Jou me pointa alors du doigt. C’est seulement à ce moment que je réalisai que ma combinaison avait disparu, que je n’avais plus de casque, je respirais l’air de Sohn sans filtre, nous nous comprenions sans traducteur. Tout le monde était nu autour de moi. Passé la première stupeur, je pris le temps de savourer cette expérience unique, celle d’un corps évoluant seul hors de sa planète, sans combinaison, en symbiose avec un environnement étranger. Maintenant que j’y prêtais attention, je sentis des odeurs qu’aucun autre humain n’avait humées auparavant, le parfum de l’espace. Je fus charmé par les effluves de framboises, troublé par ces odeurs de viandes grillées, enivré par les vapeurs de rhum. Je fermai les yeux, j’étais propulsé dans un marché bondé, assailli d’odeurs et de sons, bousculé par la foule en mouvement. Des corps nus à la peau rugueuse m’effleurèrent, j’en eus la chair de poule. J’avais froid, je frissonnais. Mon hôte remarqua mon inconfort et poursuivit la visite.
— Il est temps de voir le reste de Sohn, la ville basse, celle où nous vivons et dormons.
Alors que nous avancions, le désert réapparut autour de nous. À nouveau habillé, j’avais retrouvé ma combinaison. Devant nos pieds, les nanobots s’écartèrent, creusant un trou qui dévoila un escalier s’enfonçant à pic dans le sous-sol de la planète.
Jou me précéda, je lui emboîtai le pas avec une certaine appréhension. Nous ne descendîmes pas longtemps. Après quelques centaines de marches, un réseau de couloirs en étoile s’ouvrit dans toutes les directions. Le plafond dans ce grand espace formait comme un dôme qui oscillait légèrement. Je compris que la structure frémissante des dunes cachait une ville enterrée, maintenue par une structure adaptative de nanobots. Une lumière artificielle éclairait cet environnement troglodyte. J’interrogeai Jou sur la source de cette énergie.
— Bonne question, voyageurs ! Les nanobots que vous avez vus en surface sont essentiels pour nous. Ce sont eux qui projettent chaque couche de Sohn, en provenance du multivers. Ils puisent leur énergie dans cette intrication quantique, si particulière et particulièrement intense sur Sency. Cette matière est invisible, mais je crois que vous en avez deviné l’existence. Vous l’appelez « matière noire ». C’est elle qui est responsable de l’expansion de chacun des univers connus. Un jour, ces bulles cosmologiques entreront en collision et se superposeront. Alors, nos univers cohabiteront dans un même espace, comme ici, à Sohn. En attendant, cette matière noire nous est bien utile, elle fournit toute l’énergie pour faire fonctionner la ville. Dont cette lumière qui vous a frappé.
Un bruit aigu vint interrompre ma contemplation. La voix de mon assistant me rappela à l’ordre. « Retour au XP30 attendu dans 30 minutes. » Le temps m’était compté. J’en avisai Jou.
— La visite est bientôt terminée. Laissez-moi vous montrer une dernière chose, avant de remonter.
Je suivis Jou dans un dédale de couloirs, avant d’arriver dans une grande salle. Le plafond était constitué d’une sorte de grand miroir, recouvert de buée. Au centre, un grand puits émettait une lueur rougeâtre. Des vapeurs chaudes en émanaient, nous enveloppant d’une atmosphère humide. L’air que j’avalais au travers du filtre de ma combinaison était tiède et moite.
— Voici notre source infinie d’eau potable, voyageurs. La chaleur du noyau liquide de la planète Sency nous remonte des profondeurs sous forme de vapeur. L’installation que voyez ici nous permet de capter cette eau très pure. Nos eaux usées redescendent vers le cœur de Sency, qui la filtre. C’est un cycle sans fin, avec très peu de perte.
Les traits de Jou étaient difficiles à déchiffrer, mais je crus percevoir dans son expression une grande fierté. Je lui souris, il me répondit d’une série de claquements satisfaits, que mon traducteur ignora.
Il se souvint que le temps pressait et me raccompagna à la surface. Nous empruntâmes un autre escalier, celui qu’il avait dû utiliser pour sortir près du point de rendez-vous. Mon XP30 m’attendait, prêt à démarrer.
Je saluai maladroitement Jou. J’aurais aimé le gratifier d’une accolade, mais la combinaison me gênait. Il me salua en agitant maladroitement ses longs membres supérieurs. Je m’installai dans mon véhicule. Avant que les portes ne se referment, j’eus une vision fulgurante qui me désorienta. En levant le bras, je ressentis l’éblouissement d’un effet stroboscopique. Je n’avais pas une, mais quatre mains droites. Jou prononça finalement une phrase qui me plongea dans une grande confusion.
— Au revoir, mes chers voyageurs ! Puissiez-vous répondre aux questions qui vous taraudent !
Je blâmai encore mon traducteur pour ce surprenant pluriel. Jou tourna les talons alors que la porte se refermait. J’entendis quatre claquements de portes, un écho étrange résonna dans ma tête. Le véhicule démarra une fois, puis deux, puis quatre fois, avec l’impression de m’arracher de ce point de stationnement. La voix de mon assistant me rassura : « Retour au centre dans 30 minutes. »
Le reste du voyage se déroula sans encombre. Le XP30 me déposa enfin devant la rampe, je la grimpai bien plus lentement que je ne l’aurai voulu. Le temps commençait à s’étirer de manière dangereuse. J’étais peu habitué à ce genre d’exercice, je ressentais certainement la fatigue de mon enveloppe corporelle restée sur Terre. Peut-être aussi que la combinaison dans laquelle ma conscience avait été téléchargée avait activé son mode d’économie d’énergie. Je sentais l’inconfort grandir, la nausée montait, chaque pas demandait un effort colossal. Sur la fin de la rampe, je remontais en gagnant centimètre par centimètre. Une fois dans le sas, je m’assis sur la borne de recharge. Ma conscience quitta la planète Sency. Je rouvris les yeux, heureux de retrouver l’environnement familier du centre spatial.
Je ne me suis pas précipité, je me suis donné du temps pour reprendre mes esprits. J’ai d’abord attendu sans bouger, histoire de retrouver les sensations de mon corps. Sur l’écran de contrôle, la mémoire de mon expérience se téléchargeait, le système produirait automatiquement un rapport complet de mon séjour sur Sency.
Je suis ensuite allé me rafraîchir. La récupération des données prend toujours des plombes à ces distances. Et de toute façon, le rapport me serait directement envoyé par mail. Au dernier étage du bâtiment, dans la cafeteria, le soleil s’était levé et me caressait le visage au travers de la baie vitrée. Je savourais mon deuxième café serré quand mon téléphone a vibré pour m’indiquer que j’avais un message. Une fois. Deux fois. Quatre fois. Mes mains se sont mises à trembler et j’ai eu le plus grand mal à déverrouiller mon appareil.
J’avais reçu non pas un, mais quatre rapports. Ils avaient presque le même nom, à un numéro près. Sency (1), (2), (3), (4). J’ai ouvert le premier. Il retraçait en détail ma rencontre avec Jou. Les trois autres racontaient des versions totalement différentes de la visite de Sohn, comme s’ils avaient été relatés par des voyageurs inconnus, venant d’un autre univers.
J’ai alors lu fébrilement les premières lignes de chaque document. Un motif revenait, la coïncidence était évidente. Je me suis alors souvenu des derniers mots de Jou, et j’ai enfin considéré la question que j’avais éludée jusqu’ici. Pourquoi ce soir ? Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? Comment dans l’infini des possibles ai-je été choisi pour vivre cette expérience unique ? Chaque rapport commençait de la même façon, un hasard du destin, suivi d’une réaction enthousiaste à l’appel de l’espace. Nous avions tous un point commun, nous étions des lambdas, pas des élus, pas des élites, juste des êtres unis dans leur incroyable banalité. Un technicien d’un centre de maintenance, une autrice qui espérait raconter une histoire d’amour spatiale, une musicienne de jazz qui cherchait à imaginer la musique de l’espace, un chef cuisinier qui rêvait d’inventer de nouvelles saveurs. Il n’y avait pas de hasard. Jou ne m’avait pas demandé qui j’étais, qui je représentais, car il le savait. Il nous avait choisis.
Dans tous ces rapports, j’ai été frappé par le point de vue, toujours un peu humanoïde, de notre groupe de voyageurs. Est-ce que Jou avait volontairement choisi des profils homogènes ? Comment des êtres d’univers si différents pourraient-ils se sentir si proches ?
J’ai gardé une copie des autres rapports, puis j’ai détruit toute trace de leur existence dans le système informatique. J’ai ensuite transféré ma propre version à la direction du centre, avec le nom de la planète Sency I, telle qu’elle restera nommée désormais, Sency, la planète multiple, grain de sable dans les univers, une parmi des millions.
Une fois de retour chez moi, j’ai oublié les sanctions que me vaudraient mon insubordination. Je me suis plongé dans la lecture des autres rapports, impatient de découvrir ce que les autres voyageurs avaient pu retirer de leur insolite périple et de ce que leur récit disait de nous.
La dose de flow
Musique
Un vendredi soir à San Francisco, ça vous évoque quoi ?
Pour moi, je suis immanquablement transporté dans le passé, le 5 décembre 1980. Ce soir-là, trois guitaristes, trois virtuoses se sont réunis pour un concert exceptionnel. Paco de Lucia, Al Di Meola, John McLaughlin. L’enregistrement de cette soirée est encore considéré par le critique de Jazz Walter Kolosky comme l’enregistrement le plus influent de la guitare acoustique.
Et l’album est en effet incroyable, virtuose, mélodique, humain. Un moment magnifique, un vrai voyage. Chaque guitariste est mixé de manière bien identifiable, les entendre se répondre de droite à gauche est magique.
Je vous laisse avec le morceau d’ouverture du concert, le monumental Mediterranean Sundance.
À suivre
J’espère que cet intermède spatial vous a plu.
Vous retrouverez Hector et la Plaie, dès la semaine prochaine.
En attendant, je vous souhaite un merveilleux week-end !
— mikl 🙏