Hello les amies,
Difficile de retrouver le flow dans le roman à la rentrée. S’y remettre est toujours délicat. J’ai fait une pause d’écriture après le marathon pour terminer la nouvelle pour les Amazonies Spatiales. La plus grande pause du flow que j’ai jamais faite. La nouvelle a été remise à Lancelot Hamelin, le coordinateur artistique du recueil. Et après ? Il faudra être patient. Le livre doit sortir en 2024, normalement au second trimestre.
Je vous dévoile le titre de ma nouvelle : « Révolution ». Elle se situe dans en 2075 et déploie un mini space opera en environ 30 signes. J’en suis content et j’espère qu’elle va vous plaire.
Et maintenant ?
Ma priorité est de terminer la Plaie. J’ai passé la semaine à revoir l’organisation des prochains chapitres pour que l’histoire se déroule de la manière la plus claire possible en gardant un parfum de mystère.
J’ai aussi un nouvel épisode à vous proposer, l’épisode 18, Checkpoint. J’ai hésité à l’intituler Checkpoing, mais bon, c’est sûrement trop bizarre…
Pour lire le début du roman, c’est par ici :
- Téléchargement de la première partie de la Plaie (fichiers avec les onze premiers épisodes) : Le Flow #159.
- La Plaie - Épisode 12 – Le Flow #161
- La Plaie - Épisode 13 – Le Flow #162
- La Plaie - Épisode 14 – Le Flow #164
- La Plaie - Épisode 15 – Le Flow #166
- La Plaie - Épisode 16 – Le Flow #168
- La Plaie - Épisode 17 (1/2) – Le Flow #170
- La Plaie - Épisode 17 (2/2) – Le Flow #171
Bonne lecture !
La Plaie - Épisode 18
Checkpoint
— Vous vous souvenez du moment où vous avez voulu de devenir flic ? Pourquoi vous foutre dans cette galère, Hector ?
— Je ne sais pas. J’avais envie d’être utile, peut-être.
— Peut-être. Juste ça ? C’est ça qui vous a motivé à l’époque ?
Dans le cabinet de Lucie Delaunay, la pendule égrenait les secondes, toujours un peu trop bruyamment. Le tic-tac enflait dans la pièce, claquement grave, disproportionné, comme celui d’un vieux réveil de grand-père, il prenait tout l’espace dans la pièce. Impossible de réfléchir, Hector s’en agaça et commençait à s’agiter sur son siège. Il se frottait les mains. À ses poignets, ses deux montres le démangeaient, il aurait aimé se gratter, jeter un œil surtout, vérifier. Mais il résista. Les clacs réguliers aspirait toute son attention. Il se concentra sur sa respiration. Ou peut-être que son esprit fuyait devant l’obstacle, qu’il avait choisi de se barricader dans une partie inaccessible de son inconscient. Hector tutoyait son propre abîme. Delaunay voyait son malaise, il en était certain, mais elle laissa durer le silence. Est-ce qu’elle pensait que sa question le gênait ? Ou bien se doutait-elle que ce décompte infini du temps qui passe le rendait dingue ? Hector déglutit bruyamment pour rompre le charme. Pour terminer la séance, Delaunay lui jeta une bouée de secours et lui permit d’échanger quelques banalités, de s’emplir à nouveau de certitudes rassurantes. Cette fois, pourtant, en quittant le cabinet, il emporta sa question avec lui.
Dehors sur le trottoir, il leva les yeux, la tête rentrée dans les épaules comme s’il s’attendait à voir une ombre fondre sur lui. Il se crispa, rien ne vint. Les drones étaient en retard aujourd’hui. Il était seul et se retrouvait comme un con. Et après ? Il allait mieux, il avait remisé son fauteuil roulant dans un placard chez lui, et il en était pourtant à se demander qui il était, à épancher ses doutes sur un bout de bitume parisien. Il se rappelait juste qu’il était flic. Pourquoi ? Un hasard de la vie ? Non, il l’avait voulu, c’était même la première fois alors qu’il s’affirmait dans sa famille. Son père s’était tu quand il avait annoncé le résultat du concours. Pas par méchanceté, même pas par déception. Un peu de tristesse peut-être de voir son fils se détacher. Trahir la cause, rejoindre le camp de l’ordre ? Non, son père n’y croyait déjà plus, à l’époque.
Au fond de lui, il avait sa réponse. C’est après la mort de son frère qu’il avait décidé de devenir flic. Grâce à lui ? Pour lui ? Malgré lui ? C’est là que tout devenait flou.
Il croisa son reflet dans une vitrine. Est-ce que le type maigrichon qu’il voyait était toujours flic ? Vraiment ? Des épaules basses, un regard fuyant. Il se redressa, il ne voulait pas laisser le traumatisme gagner, l’enfermer dans un bureau. Un flic, ça n’a pas d’états d’âme, bordel ! Il fallait reprendre le boulot, retrouver ses marques avant ses débuts en septembre à la Crim. Se retrancher dans sa carapace. Continuer à jouer le flic. Incarner ce à quoi il croyait. Même s’il l’avait oublié.
Un bourdonnement caractéristique lui fit lever les yeux. Une nuée de drones se dirigeait vers la place de la République. Ils étaient bien plus gros que celui qu’il l’avait attaqué au Bataclan le soir de l’attentat. Ceux-là étaient-ils armés ? Certainement pas. Pourtant, l’idée le fit frissonner malgré la chaleur de cette fin d’été. Ses poils se dressèrent sur ses bras. Il se sentait flic, mais vieux, peut-être simplement. Le monde avait changé. Les gangs et les mafias utilisaient déjà des drones pour la surveillance et le transport de drogues. Combien de temps faudrait-il avant qu’ils arment leurs drones ? Comment y ferait-il face sur le terrain ? Il accéléra le pas pour fuir cette pensée.
Ses pas le guidaient, pilote automatique. Il réalisait que cette fois il avait pris le chemin du commissariat, comme s’il devait rejoindre ses compagnons. Leur solidarité dans les galères de flic, malgré tout, lui manquait-elle ?
Et Vitale ? Qu’est-ce qu’il foutait ? Cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas de nouvelles. Le téléphone en main, il hésita à l’appeler, puis se ravisa. Il jeta un œil à l’une de ses montres. Il avait le temps de choper Vitale avant passage de relais de fin de journée. Il tourna à la première intersection pour remonter vers le Nord.
Il longeait la Gare de l’Est, lorsqu’il devina au loin un attroupement. La route semblait barrée. Autour de lui, la circulation était dense, les voitures à l’arrêt, leurs conducteurs patientaient avec un air étrangement résigné. Les détails de la scène se précisaient alors qu’il s’approchait. Le boulevard était bloqué sur l’intégralité de sa largeur. Les mouvements de véhicules étaient contrôlés au centre, sur les voies de circulation. Dans chaque sens, il y avait deux files, l’une d’elles, vide, était réservée aux véhicules prioritaires. Une ambulance emprunta cette voie et franchit le point de contrôle après un bref ralentissement. Elle n’eut même pas à activer son gyrophare.
Hector allait franchir son premier checkpoint, celui passé avec Vitale ne comptait pas, il était ailleurs à ce moment-là. Jusqu’ici, il était resté dans un espace restreint, dans les limites de son quartier. Il se souvenait de ce que lui avait dit Vitale, franchir le barrage pouvait prendre près d’une heure aux périodes de pointe. Les mouvements dans la ville, déjà difficiles auparavant, étaient maintenant limités aux réelles nécessités. Il comprenait le principe. Il s’agissait de rendre impossible le transport d’un arsenal militaire radioactif et de compliquer la fuite des terroristes. Mais, lorsqu’ils attaquent, ces types-là ne veulent pas fuir, alors à quoi bon ?
Sur le trottoir, l’attroupement était causé par les piétons rassemblés en une grappe désordonnée. Il perçut des mouvements, des cris émergeaient de la foule autour du checkpoint. Hé ! Poussez pas ! Y en a marre, moi je vis juste à la limite, je devrais être prioritaire ! T’attends comme tout le monde, Ducon ! À mesure qu’il approchait du carrefour, l’ambiance devenait électrique. Au cœur de son quartier, Hector avait trouvé la ville bien paisible, Paris était relativement calme, chaque zone vivait dans sa bulle, isolée du reste de la cité. Aux points de contrôle, la tension et la colère semblaient déborder, comme aux joints fatigués d’une vieille cocotte-minute. La tension palpable le crispa. Il considéra la queue qui s’étendait sur des dizaines de mètres et se souvint du passe que lui avait remis Vitale. S’il voulait le voir avant le changement d’équipe, il devrait user de son privilège. De nouveaux éclats de voix déclenchèrent un mouvement de foule. Les plantons qui effectuaient les contrôles semblaient débordés. En jouant des coudes, Hector doubla les badauds qui cherchaient à voir ce qui se passait. À mesure qu’il s’approchait, les insultes devenaient claires.
— Salaud !
— Casse-toi !
— Ouais, t’as plus rien à foutre ici ! Laisse-nous vivre !
Au milieu de la foule en désordre, un grand costaud virulent invectivait le type devant lui. Mollement encouragé par quelques sympathisants, l’homme saisit le bras du type qui subissait leur vindicte. La victime tentait de se dégager, mais le molosse, le crâne rasé, dégoulinant de sueur, devait faire deux fois son poids. Les agents de la paix qui gardaient le checkpoint s’avancèrent pour le protéger, bien trop timidement. L’agresseur profita de leur mollesse pour tenter d’entraîner le type dans la foule. Surpris par l’agressivité du geste, le souffre-douleur trébucha et s’étala sur le sol. Hector profita de l’espace laissé libre par les badauds qui s’écartaient pour se rapprocher. Il s’interposa, retint l’agresseur par l’épaule et le repoussa vers le groupe de ses sympathisants. Hector sortit alors sa carte de police et l’exhiba sans agressivité. Sans quitter la foule des yeux, il tendit sa main gauche à l’homme sur le sol. Il la saisit, Hector tira fort pour le relever, mais le type était un petit gabarit comme lui, il décolla presque sous l’impulsion. Voyant que la situation se calmait, les agents sur le checkpoint se rapprochèrent pour faire front et calmer la foule. Déjà, la plupart des habitants reprenaient leur place dans la file, considérant l’incident clos. Il y eut seulement une bousculade et quelques insultes lorsqu’un cadre en costard essaya d’en profiter pour gagner quelques places dans la queue.
Hector était maintenant protégé par les cinq flics du checkpoint et put concentrer son attention sur l’homme qui avait été agressé. Maghrébin, algérien même, Hector l’aurait parié. Tenu à distance, l’agresseur restait remonté contre le monde entier.
— La Police les protège ! Voilà comment on arrive au drame. Ça va se reproduire !
Hector écarta les policiers qui faisaient barrage et s’emporta.
— On protège les citoyens et tu sais de quoi ? Des enflures. De toutes les enflures. Et toi t’en es une belle. Va faire la queue ailleurs !
Hector tourna les talons pour reprendre une contenance et éviter la tentation d’une riposte. Hélas, l’homme l’avait reconnu.
— C’est toi, toi qui dis ça ! Tu penses que t’es un héros ? Mais tu sais quoi, t’es un lâche ! Tu t’es juste barré à temps. La Police se barre, elle ferme les yeux. Hein, vous en dites quoi les autres ?
La foule se désolidarisait maintenant de son attitude et retournait l’hostilité qui l’avait animée contre cet homme. L’agresseur reculait sous les sifflets.
— C’est ça ! Tout le monde détourne le regard. Et maintenant, on a la Plaie ! Et puis ça, des queues en plein Paris. C’est vous les coupables ! Vous êtes tous coupables ! Vous me faites gerber !
Les cris autour du checkpoint couvraient maintenant sa voix. Il décida que c’était le moment de mettre les voiles et partit définitivement.
Les mains d’Hector tremblaient. Son rythme cardiaque s’était emballé. Il s’efforça de respirer profondément pour regagner son calme. Le silence revint sur le monde rassemblé devant le checkpoint, comme si soudain ils s’étaient tous souvenus d’une chose, eux aussi voulaient rentrer chez eux, et éviter de poireauter des heures. Personne n’osait approcher, ils laissaient Hector et l’homme qu’il avait secouru passer les contrôles.
Hector laissa passer le gars devant lui, puis posa son blouson sur le tapis roulant du détecteur infrarouge. Il garda sa carte de police en main pour justifier de son statut. Les deux hommes passèrent rapidement les contrôles de radioactivité. En quelques minutes, les deux se retrouvèrent de l’autre côté du barrage.
Le type qu’il avait secouru était secoué. Quand enfin il put trouver la force de parler, il remercia Hector. Il lui tendit la main en retour.
— Hector Mahi. Ne fais pas attention, ils ne sont pas tous comme lui.
— Ahmed Bouzidi. Je sais, mais c’est pesant. Tu le sais d’ailleurs, toi qui as changé de prénom.
Ahmed avait prononcé la phrase sans agressivité. Hector resta sans voix. Il continua.
— Tu es Algérien, toi aussi.
Français, pensa Hector, mais ce n’était pas une question, alors il se tut. L’homme poursuivit.
— Mon grand-père connaissait ton père. Il est d’Aït Aïssa.
— Ouais, je vois très bien, dans les montagnes au-dessus de Tizi Ouzou. Ça n’a pas dû être facile pour lui non plus. Et pour mon prénom…
— Laisse tomber, je te taquine. Je comprends très bien, pour le changement de nom, je veux dire. T’as eu raison.
Il fit un geste qui embrassa le monde autour de lui, comme si cela justifiait tout. Ahmed jouait avec ses mains. Il semblait maintenant gêné par son intrusion dans la vie privée d’Hector, conscient d’avoir ravivé une vieille blessure. Il s’empressa de conclure la discussion.
— Kaîs. C’était Kaîs mon prénom d’avant, ajouta Hector.
Ahmed lui donna une chaleureuse accolade. Hector ne sut pas s’il le remerciait pour l’aide qu’il lui avait apportée ou pour la confiance qu’il lui accordait.
Sur le checkpoint, les agents attendaient patiemment que les deux hommes s’éloignent avant de réautoriser le passage. Hector reprit sa route, avant que la foule ne s’agite. Il avait suscité suffisamment de rancune pour aujourd’hui. Ce n’était pourtant que le début.
À suivre…
La dose de flow
Musique
Je vous ai déjà partagé un morceau de Kaleo, le groupe rock Islandais. Pour garder la pêche dans cette rentrée écrasante de chaleur, voici Hot Blood. La patate, je vous dit ! (Ah ben non, c’était la pêche…).
Lecture
Mon amie Sylvie Poulain sort le second tome de Confluence, son excellent diptyque de science-fiction sous-marine. Ce qui vient après les tempêtes est en librairie depuis mercredi. Une bonne occasion de rappeler que Sylvie écrit est une autrice qui monte et qu’elle écrit des histoires captivantes. Si vous aimez la SF (ou la fantasy), allez la lire !
À suivre
Il y a des choses qu’on ne veut pas écrire, à chaud, peut-être jamais, des mots dont on sait qu’ils font partie d’une expérience de vie qui mérite le silence. J’ai perdu un ami, un autre Thierry, mais je ne peux rien en écrire sur le papier, seulement le graver dans ma mémoire. Pour le moment. Peut-être qu’un jour son ombre ressortira dans l’un de mes textes. En attendant, je pleure sa disparition avec Manuel. Tellement trop tôt, bordel !
Côté écriture, j’ai fait le plus dur, j’ai repris le fil de mon histoire et l’écriture de cette lettre hebdo. Cette semaine, je vais continuer à travailler sur la Plaie, frénétiquement, parce qu’une histoire doit toujours viser sa fin et que je vous la doit, il faut m’en saisir avant qu’elle ne s’envole. La route est droite, mais… vous connaissez la suite.
Enfin, j’espère que l’épisode du jour vous aura permis de replonger dans l’histoire d’Hector en douceur, avant le prochain épisode.
Je vous souhaite un merveilleux week-end malgré la canicule. La chaleur, la fraîcheur, c’est dans la tête !
— mikl 🙏