La machine, l’algorithme et la création – Le Flow #187

Où je vous parle de création et d’algorithmes, de Nick Montfort, et de Matmatah.


Newsletter   •   16 décembre 2023

Hello les amies,

Je ne suis pas encore prêt à vous livrer le prochain épisode de la Plaie, vous devrez attendre samedi prochain. Cette semaine, j’ai dépensé beaucoup d’énergie dans le remaniement deux nouvelles que je souhaite soumettre à des éditeurs et qui doivent partir ce week-end, alors, patience !

J’ai pensé aussi, beaucoup, à la création algorithmique. La tendance avec à l’émergence de modèles de langage, les fameux Large Language Model de type ChatGPT, est d’opposer algorithme et création. Mais j’ai découvert cette semaine les fascinants travaux de Nick Montfort. Il est professeur de médias numériques au MIT et chercheur au Center for Digital Narrative de l’université de Bergen, en Norvège, étudie l’informatique créative et développe de l’« art computationnel ».

Si vous me lancez sur le sujet des algos, je pourrais bien sûr vous évoquer la « poésie du code », car oui, un programme peut-être beau, dans la forme, le fond et les idées qu’il met en œuvre, mais je ne parle pas de ça ici. Je fais référence à l’utilisation de programmes pour générer une œuvre, un texte, une toile abstraite, une animation, une musique, etc.

Pour qu’il y ait de l’art, il faut une intention. ChatGPT, n’en a pas, il n’est pas un créateur et ne peut prétendre à être présenté comme tel. C’était d’ailleurs un des objets de la grève des scénaristes américains : en remaniant un scénario généré par une « Intelligence artificielle », ils ne voulaient pas être considérés comme co-créateurs, mais comme auteurs uniques. C’est ce qu’ils sont parvenus à faire admettre aux studios de production.

Nick Montfort, pour y revenir, s’inscrit bien dans une tradition algorithmique créative. Il dirige une collection de livres générés par ordinateur, la série Using Electricity, qui fait référence au poème « A House of Dust », écrit par un programme développé par Alison Knowles avec James Tenney en 1967.

Son approche donne une place primordiale à l’humain avec de vrais choix artistiques. Nick Montfort et d’autres représentants de son mouvement développent eux-mêmes les programmes qui répondent à leurs objectifs créatifs.

Pour l’anecdote, Nick Montfort lance une fois par an un challenge : réaliser un programme court, tenant sur une page, devant générer un texte complet de 200 pages.

L’algorithme peut devenir artistique, si c’est l’artiste qui le contrôle, le produit et le façonne pour répondre à sa propre intention. Vous voulez d’autres exemples ? Une toile numérique mouvante a été exposée au Museum of Modern Art à New York. Unsupervised, de Refik Anadol, met en œuvre des algorithmes qui génèrent une image en constante évolution et propose une réflexion sur le processus créatif. À voir et lire si le sujet vous intéresse : Refik Anadol: Unsupervised | MoMA et Refik Anadol on AI, Algorithms, and the Machine as Witness | Magazine | MoMA

Du côté de la musique, le générateur Eōn de Jean-Michel Jarre est tout aussi envoutant. Eōn compose un morceau infini, en perpétuelle évolution, en s’appuyant sur le savoir-faire de son créateur.

Ça semble un peu fou, c’est même tentant, n’est-ce pas ?

Si vous voulez aller plus loin et expérimenter l’utilisation de la programmation pour générer des œuvres, Nick Montfort a écrit un livre de programmation exploratoire, qu’il diffuse en accès ouvert sur son site : Exploratory Programming for the Arts and Humanities, second edition

Bonne création avec vos algos !


La dose de flow

Musique

« Quoi qu’il arrive, je reviendrai, les tempes grises (!), la tête haute, vos cerveaux lavés du souvenir de mes impardonnables fautes. »

Allez, aujourd’hui, je vous partage un morceau un peu subvervif de Matmatah. Ça grince, ça met un peu mal à l’aise, mais sûrement parce que le texte fait mouche. C’est une version un peu soft du Racailles, de Kery James. Notre cerveau a envie de crier, « au secours, il ne faut pas généraliser ». Bien sûr. Et ce n’est pas forcément des individus que l’on blame, mais plus un système politique qui laisse émerger ou fait naître de sortes de vampires. Œuf ou poule ? C’est toujours la question. Là encore, ce n’est pas eux contre nous, mais eux et nous, une relation ambigue comme celle qui lie le docteur Frankenstein et sa création. Des humains, condamnés à vivre ou mourir ensembles.

Matmatah - Marée haute LIVE

À suivre

Une lettre courte, aujourd’hui car je repars écrire. J’ai de l’avance à prendre, si je veux être au rendez-vous la semaine prochaine.

Je continue à travailler sur le plan de la dernière partie de la Plaie. Pour l’instant, j’ai prévu douze chapitres. On va voir si ça tombe juste. La publication reprend la semaine prochaine.

En attendant, j’ai repris un ancien texte pour le faire mieux correspondre à mon style actuel, afin de le soumettre à l’appel à Textes de la Volte sur le thème « Demain la Ville ». Vous qui me lisez régulièrement, vous le connaissez certainement. Alors à votre avis, de quel nouvelle s’agit-il ?

Je vous souhaite un merveilleux week-end !

— mikl 🙏