Nous rêvions juste de poésie – Le Flow #220

Nous rêvions juste de poésie – Le Flow #220

Où je vous parle de poésie, de liberté, d’Hadrien, d’Arthur Teboul, de Kill the Young et de Miguel Chevalier.


Newsletter   •   24 novembre 2024

Hello les ami·e·s, 

Je termine une série d’ateliers autour de la poésie contemporaine avec Hadrien (@crottinsverbaux sur Instagram). J’ai passé deux mois à m’immerger dans les recueils et revues, les performances et les nouvelles tendances poétiques, et… votre premier réflexe à ce stade est certainement de vous demander pourquoi je me suis infligé ça, non ? C’est vrai, lorsqu’on prononce le mot poésie, on ravive de vieux traumatismes scolaires et on se dit immanquablement « Qu’est-ce qu’on va se faire chier... » Alors, comment est-ce que je me suis retrouvé avec Hadrien et un groupe d’autrices intrépides dans cette aventure ? Eh bien, je vais vous raconter ! 

Mignonne allons voir si la rose...

La poésie, c’était surtout ça pour moi. Pourtant, au travers de la chanson, j’en connaissais bien plus que je ne l’imaginais, de Léo Ferré à H.F. Thiéfaine en passant par Saez. En prépa, je m’y étais beaucoup intéressé, et puis ça m’était passé, comme beaucoup de mes goûts littéraires d’alors. Le poète Christophe Fiat, un de mes comparses lors de la résidence d’écriture Amazonies Spatiales, m’avait redonné l’envie, mais je m’étais tenu à distance de tout écrit poétique. « Il n’y a rien de plus triste que de la mauvaise poésie », m’avait-il dit. Cette idée faisait peur, plombait mes ardeurs, et m’avait convaincu, pour un temps, que tout cela n’était pas pour moi. 

En septembre, alors que j’avais terminé le premier jet de mon roman La Plaie et que je m’attaquais à la phase de corrections, j’ai eu besoin d’aérer mon écriture pour la rendre plus libre. Je cherchais une forme de lâcher-prise que je pressentais nécessaire pour progresser. C’est alors que j’ai repéré la formation d’Hadrien sur la publication de poésie fragmentaire sur Instagram. Est-ce que cela pouvait m’aider ? L’intitulé semblait sans enjeu ni pression. Sur un coup de tête, je me suis inscrit, une décision qui m’a alors parut complètement saugrenue. 

Et puis, il y a eu le premier atelier, auquel je suis allé presque à reculons. Vous voyez, le genre d’atelier qui tombe un soir où tout semble pesant : il faut sortir, c’est en plein milieu de la semaine, et vous vous demandez pourquoi vous vous êtes inscrit. Pourtant, j’en suis ressorti énergisé, avec une pêche incroyable, l’envie d’écrire, de jouer et d’explorer les mots. Hadrien est un pédagogue exceptionnel et un guide merveilleux dans l’univers de la poésie contemporaine. Il nous partage des textes variés, nous place dans des situations grisantes d’écriture automatique ou sous contrainte. Il a su nous transmettre le plaisir de jouer avec les mots, de les faire entrer en collision. Il nous a également aidés à affiner nos goûts et à écrire des textes qui, avant toute chose, devaient nous ressembler. 

J’ai enchaîné les ateliers et les lectures avec un plaisir vorace. Au cœur de cette période d’immersion, j’ai assisté à la deuxième édition du Poetry Club, organisé par Hadrien à la Gaîté Lyrique. Comme cela a été dit en ouverture de la session : « Quel courage d’être venu ! » Car, oui, la poésie traîne encore cette image barbante et élitiste. Pourtant, après 1h15 de performances captivantes qui ont retenu toute mon attention, je suis ressorti sur un petit nuage. Je savais déjà que j’en voulais plus et que je reviendrais pour la prochaine édition. La poésie est puissamment addictive. 

Après huit séances, le travail avec Hadrien s’est terminé, et nous sommes lâchés en autonomie dans notre propre cheminement poétique. Je suis déjà allé à une édition miniature du Poetry Club et vais passer aujourd'hui en fin de journée au festival de poésie contemporaine Créatine, au Groundcontrol à Paris. 

Cette décision prise sur un coup de tête s’est finalement révélée transformatrice. J’y cherchais un moyen de lâcher prise, et j’ai été comblé et, avec Hadrien et tout le groupe, j’ai pris un immense plaisir à explorer des facettes personnelles, mais jusqu’alors refoulées, de mon écriture. 

Surtout, j’ai découvert que la poésie est le plus grand espace de liberté à notre disposition. En me lançant dans l’écriture, j’ai entrouvert une porte, entraperçu la liberté et brisé quelques chaînes, mais ce n’était qu’un début. Il me restait encore à trouver la confiance dans les mots, simplement dans les mots, sans pression de réussite, simplement croire que les mots seront de fidèles compagnons. La poésie, qu’on la partage ou qu’on la garde pour soi, permet d’entrevoir une liberté infinie, une liberté sur commande, une porte ouverte vers un espace différent du nôtre. Au début, on tâtonne, on est maladroit — je le suis encore totalement — et on ne sait que faire de ce pouvoir qui nous est offert. Puis, peu à peu, on apprend à se détendre et à apprécier le chemin. La poésie, comme la liberté, est la quête d’une vie. 

Arthur Teboul (du groupe Feu! Chatterton) évoque le rôle émancipateur de la poésie dans l’introduction de son Déversoir, son recueil de poèmes minutes : 

Quand on dispose les mots de tous les jours dans un ordre déconcertant, on résiste ordinairement à l'emploi purement utilitaire de la parole. A l'emploi purement pratique de nos vies.

La poésie est un contre-pouvoir. Ce n'est pas anodin qu'elle soit un secret si bien gardé. Emparons nous de ce feu.

-- Arthur Teboul, Le Déversoir

La liberté est poétique, et la poésie est liberté. Prévert inscrivait son nom dans un poème. “Nous rêvions juste de liberté”, nous confie Henri Lœvenbruck dans son roman. Moi, je dis que nous rêvions juste de poésie, car elle imprègne d’un parfum de liberté tout ce qu’elle touche. 

Alors, est-ce que j’ai réussi à changer un peu votre regard sur la poésie ? Si oui, dites-moi si ça vous tente que je partage avec vous mes découvertes poétiques.


La dose de Flow

Musique

Je me suis replongé dans le premier album de Kill the Young, sorti en 2005, et c’est vraiment une perle (ou une tuerie, un banger, enfin, vous voyez, quoi !). J’ai choisi pour vous aujourd’hui le morceau Addiction. Enjoy!

Pixels, Expo Miguel Chevalier aux Grand Palais Éphémère

Musique et ambiance sonore: Thomas Roussel.

J’ai visité l’expo Pixels consacrée à l’artiste Miguel Chevalier, pionnier des arts procéduraux et génératifs.

Je vous avoue qu’à l’entrée de l’exposition, je me suis pris à regretter de la visiter un samedi après-midi. Il y avait du monde et des enfants, beaucoup d’enfants courant devant les installations interactives réagissant aux mouvements.

Mais une fois dans l’exposition, après avoir séjourné dans la dernière pièce monumentale de l’exposition, j’ai pris conscience de la puissance du travail artistique de Miguel Chevalier. Dans le catalogue de l’exposition, il nous explique que son œuvre permet au public d’en faire partie. Ces enfants trouvant de la joie dans ses œuvres en perpétuelle évolution sont la preuve de sa réussite. Son art parle à tous. Dans cette salle, certains visiteurs se sont allongés pour profiter du paysage, en couple comme s’ils faisaient face à un ciel étoilé. Autour, des parents discutaient pendant que leurs enfants s’éclataient en modifiant par leurs jeux la physionomie de l’œuvre, une œuvre immersive, dont le public faisait partie. L’œuvre que j’ai vu ce jour là m’a certainement laissé une impression fort différente que celle qu’aurait pu avoir un VIP bénéficiant d’une visite privée et feutrée. Miguel Chevalier imagine un art visuel unique, évolutif, proche d’un art de la représentation, un art transformé par son public.

Un art ? J’entends déjà crier les sceptiques. De l’art génératif ?

L’art de Miguel Chevalier est numérique, procédural et, même s’il utilise parfois l’intelligence artificielle, son travail est profondément humain, émotionnel et fort éloigné de la production froide, artificielle et sans âme de Midjourney, chatGPT, et consorts. Il travaille avec une équipe de programmeurs pour concevoir un art algorithmique qui passe par la programmation de logiciels maisons qui exprime son intention. Il crée avec du code. Ici donc, pas de pilotage automatique par une IA générique, c’est l’artiste qui est aux commandes.

J’ai donc adoré cette exposition, dans la droite ligne de ma sensibilité, dans le prolongement direct de la culture des démos makers des années 80, qui concevaient des animations graphiques hypnotiques aux limites des capacités de la machine. Miguel Chevalier a commencé son travail à la fin des années 1970, et il a poussé toujours plus loin cette approche, sans se laisser avaler par la technologie, toujours au service de sa vision.

Cette forme d’art immersif souligne combien l’art interagit avec son environnement, des émotions au rejet que suscite une œuvre, voire aux scandales qu’elle provoque en choquant son époque.

Avez-vous remarqué que la manière dont vous recevez une œuvre dépend du public avec qui vous la partagez ? Au cinéma, au théâtre ou au musée, notre réception ne sera pas la même. L’art n’est jamais ni reçu ni apprécié dans le vide.

Miguel Chevalier dans ses œuvres immersives rend cette fusion explicite. Son œuvre est le reflet de la vie qui l’entoure. Cet écran renvoyant des images qui tournent sans fin n’aurait bien sûr pas le même goût dans une salle vide, dans un monde en survivance après l’apocalypse.

L’art est une expérience émotionnelle et sensorielle. En prononçant le nom de Miguel Chevalier à la maison, j’ai vu d’anciennes peurs ressurgir sur le visage de ma fille. Miguel Chevalier était au programme du bac 2024 pour la spécialité Arts plastiques. Sa prof, persuadée que le sujet allait tomber, a insisté sur cette œuvre jusqu’à la saturation. L’enseignement a finalement fait écran à l’œuvre en tant qu’expérience. Les élèves n’ont jamais eu l’occasion de s’y confronter en vrai. Ma fille n’a finalement pas voulu visiter l’exposition avec nous. Aurait-elle eu la même réaction si elle avait pu d’emblée, vivre, expérimenter cette œuvre, jusqu’à en devenir le miroir symbiotique ?

Note de service: Miguel, si tu me lis, je rêve de visiter ton studio de création.

À suivre

Allez, je me risque à un calendrier pour les corrections de mon roman, La Plaie. Objectif, tendu, mais réaliste : fin des corrections le 15 décembre. Je ferai ensuite une ou deux passes sur l’orthographe et la grammaire. Le manuscrit pourra être envoyé début janvier aux éditeurs.

En attendant la suite de mes aventures littéraires, je vous souhaite une merveilleuse semaine !

-- mikl 🙏