Ce soir, je regarde un bon film à la télé.
Quoi de mieux qu’un film de zombies pour clôturer l’épidémie ?
C’est vrai, j’ai entendu le Premier Ministre cette semaine. Il nous a à nouveau répété que le pays revenait à une situation normale. La vie peut reprendre son cours.
Et puis, je suis seul ce soir. Catherine est prise par son travail, les enfants sont tous occupés.
Pour fêter ça, je regarde « #alive », film coréen, comme « Le Dernier Train pour Busan ». Les Coréens se sont bien appropriés le genre.
Car, c’est ça le truc avec les films de zombies. Ils sont prévisibles. C’est un genre, qui a ses codes. On n’est jamais vraiment perdu avec eux. Je parle du scénario, mais aussi des zombies eux-mêmes. Ils sont à la fois totalement flippants et rassurants. Cette imprévisibilité les distingue des humains, non ? Cela veut dire qu’ils ne le sont plus. Ils sont devenus autre chose. Le mal, malgré eux.
Rassurants aussi, parce qu’on les reconnait immédiatement. Ils marchent en titubant, leurs corps blessés et décomposés, sanguinolents les signalent de loin. Il y a quand même cette fameuse phase d’incubation sur laquelle jouent tous les scénaristes. Dilemme et méfiance à chaque rencontre. Tout le monde peut être, pour un temps, un zombie qui s’ignore. Un autre problème ? Ils sont nombreux. Ils se regroupent, et ils sont capables de pointes de vitesse qui nous font sursauter de contentement sur notre canapé. Ils bondissent, nous tressaillons. Basique.
Et puis les dialogues sont simples. Les zombies ne parlent pas. Pas de prise de tête, de l’action, droit au but. Ce qui compte, c’est toujours la survie, face à un nombre toujours plus grand d’« infectés ».
L’image se fige, encore. Le DVD doit être rayé. Je mets une petite tape sur le lecteur et le film reprend.
Il a un air de déjà vu. Mes pensées vagabondent. J’avoue que je m’inquiète un peu de ne pas avoir de vos nouvelles, mais vous êtes surement très occupés, comme moi. On verra samedi. Ce confinement qui ne dit pas son nom s’étire et dure. Le frigo se vide et chacun doit se débrouiller pour trouver à manger. C’est vrai que cela complique les journées.
Le générique du film me rappelle à la réalité. J’ai passé une bonne soirée. En marchant dans l’appartement vide, je souris. Ou je pleure, je ne sais pas. J’ai encore oublié, pour un soir, qu’ils ne reviendront pas.
Thomas Pesquet fête son 119e jour dans l’espace. Que j’aimerais pouvoir lui parler ! Moi, je fête seul ma soirée dans ce monde devenu désert.
Thomas Pesquet et moi, nous avons une saine relation. Le Dernier Homme dans l’espace fait un clin d’œil au Dernier Homme sur terre.
Je termine la vaisselle et avant d’aller me coucher. Demain, je regarderai encore ce DVD usé jusqu’à la corde. #Alive. Quoi de mieux qu’un film de zombie pour fêter le dernier jour de l’épidémie ?
Cette micro-nouvelle a été écrite pour les abonnés de ma lettre hebdo et partagée dans le Flow #62.