La Plaie - Épisode 25 – Le Flow #182

Où je vous présente l’épisode 25 de la Plaie, « En bonne intelligence », et vous parle d’Era.


Newsletter   •   11 novembre 2023

Hello les amies,

C’est une période de déclic, un moment où les objectifs de mon roman se clarifie, où le thème de ce que je veux écrire m’apparaît enfin avec une limpidité réconfortante. J’espère que vous êtes toujours là et que vous accrochez à cette histoire complexe.

Pour lire le début du roman, c’est par ici :

J'ai prévu de partager la semaine prochaine un fichier complet qui reprend tout le roman pour faciliter le rattrapage.

En attendant, bonne lecture !


La Plaie - Épisode 25

En bonne intelligence

— Bonjour Hector !

La voix sortait du haut-parleur de son téléphone, ni trop enjouée, ni trop obséquieuse. Le logiciel l’avait déjà identifié immédiatement, il n’avait pas eu besoin de créer un compte. Il avait reçu un message de sa psy ce matin, « Monsieur Mahi, voici un lien vers une application de santé mentale qui pourrait vous aider. PsIA est un outil basé sur l’Intelligence artificielle. Vous pouvez vous confier sans craindre son regard, à l’abri de tout jugement. Installez-la et utilisez-la quotidiennement. Nous ferons le point d’ici quelques séances. » Il était d’humeur joueuse, alors il avait téléchargé l’application en prenant son petit déjeuner, et voilà qu’il se trouvait à participer à une expérience, à dialoguer avec une intelligence artificielle. Il s’était levé après une nuit de sommeil paisible, il y avait longtemps que ce n’était pas arrivé. Est-ce que c’était la rencontre avec Ange ? Le fait d’être courtisé par le Président et sollicité par la DGSI ? Ou peut-être l’impression d’apercevoir une issue, la perspective de tourner la page pour construire autre chose ?

Il se posa la vraie question. Est-ce qu’il avait vraiment envie de raccrocher ? Puis il se souvint du cafouillage qui avait failli lui valoir d’être embroché au couteau par un junkie, et il se demanda encore une fois s’il était capable de travailler sur le terrain. Dans ces moments de doute, il rêvait alors d’une autre vie dans laquelle il n’aurait pas eu à craindre pour sa peau à chaque intervention. Il ne croyait pas à l’option politique ouverte par le Président, il était trop franc du collier, mais peut être que la sécurité intérieure était une bonne option. Marie-Claire Renard avait raison, il connaissait le terrain après tout. Il y avait ce drone qui le tracassait, mais il aurait à toutes les informations classifiées qu’il voudrait là-bas. Comprendre pour oublier. En attendant, il devait retourner au 36. La perspective de retrouver la commissaire lui vrilla le bide. C’est vrai qu’est-ce qu’il foutait au Quai ? Elle voulait s’en débarrasser et attendait le faux pas. La voix synthétique le tira de ses ruminations.

— Hector, vous êtes toujours là ?

— Oui.

Lucie Delaunay était parvenue à piquer sa curiosité. Il ne voyait pas comment une IA pouvait l’aider pour traiter des problèmes typiquement humains, mais il lui faisait confiance. Le système lui posa des questions à n’en plus finir, mais les interactions n’étaient pas vraiment pénibles, car tous les échanges s’effectuaient via une interface vocale au réalisme bluffant. La voix était douce, calme, apaisante, elle n’était pas robotique, simplement chaleureuse et rassurante. Le travail pour inspirer la confiance avait été remarquable. Il s’enfonça dans son canapé et écouta la voix le mettre dans un état propice à confidence. Hector oublia rapidement qu’il parlait à une machine.

— Et comment te sens-tu aujourd’hui ?

Hector hésita. La machine reprit.

— Je sens que tu hésites, on va faire plus simple. Raconte-moi ta journée d’hier.

— J’ai reçu une médaille que je ne méritais pas et on m’a offert deux jobs. J’ai été très courtisé.

— C’est flatteur et cela devrait t’aider à te sentir bien. Ce n’est pas le cas ?

— Oui. Je veux dire oui, cela devrait, mais non, cela n’aide pas.

— Tu dis que tu ne mérites pas les honneurs. Penses-tu être un imposteur Hector ?

La question franche le désarçonna. Il réfléchit un instant.

— Pas forcément un imposteur, le fruit de circonstances… que je ne comprends pas forcément. J’aurais pu être mort et je suis vivant.

— Je vois, Hector. Je vois. En effet, tu aurais pu être mort, mais tu es vivant. Qu’est-ce que ça change ?

Encore une réponse déconcertante, décidément, en effet, l’IA faisait un psy plus direct. Hector ne trouva pas quoi répondre d’intelligent. Comme à chaque fois qu’il prenait trop de temps, l’IA reprit la main.

— Je crois Hector que cela fait partie des moments où les proches sont importants. Ma recommandation pour aujourd’hui, appuie-toi sur tes proches. Parle-leur. Tu sais à qui tu vas parler, Hector, tu as des proches ?

Il répondit oui, sans hésitation, pour ne pas laisser le doute l’envahir.

— Alors c’est parfait, Hector. Ce sera ton exercice pour aujourd’hui. À demain !

Il ne répondit rien. L’écran se transforma en un décompte du temps jusqu’à la prochaine interaction. 23 h 35.

Hector resta un moment interdit, puis il sursauta en regardant, l’une de ses montres. Il était en retard et se pressa donc pour se rendre au boulot. Il enfila son holster avec son arme de service. Elle lui parut encore plus lourde qu’il ne l’avait ressenti lorsqu’il l’avait récupérée. Elle pendait le long de son flanc, comme une excroissance de son corps, un corps étranger dans sa tête surtout. Il ferma son blouson de cuir pour la chasser de son esprit.


Malgré son retard, il arriva dans un bureau vide. Edgar lui avait laissé un mot, bien en évidence sur son clavier. « Scène de crime dans le XVIIe. Je suis parti faire des tests de mon scanner sur le terrain en urgence, avant que la scientifique n’arrive et ne salope tout. Rejoins-moi si cela t’intéresse de voir l’outil à l’œuvre. » Le message se terminait par l’adresse de l’intervention, suivi d’un petit astérisque qui ne renvoyait à aucune note. Hector l’ignora, il n’avait pas trop envie de voir Edgar faire une démonstration brouillonne d’un outil à peine terminé. Il se plongea dans la lecture des dossiers empilés à son attention sur son bureau. Il lut un bon moment avant de décider de sortir papiers et stylos. Il ouvrit son tiroir avec sa clé et découvrit une feuille qui y avait été glissée, un autre mot, écrit de la main d’Edgar, qui débutait avec ce mystérieux astérisque. « Tu n’as pas encore utilisé le scanner ? Je t’ai laissé un message dessus – EC » cela devenait ridicule. Sérieusement, Edgar, c’est quoi ce jeu de piste ?

Hector se leva pour récupérer l’appareil dans sa poche de blouson et le déverrouilla. Le téléphone n’avait pas de SIM et était en mode silencieux, mais Hector s’aperçut qu’il avait malgré tout reçu un message audio. Il déclencha le bouton de lecture, en s’approchant de la fenêtre, comme s’il cherchait à mieux capter. Il se laissa hypnotiser par le déchargement des containers sur la Seine, et écoutant le message en portant le téléphone à son oreille.

« Ah ben voilà, tu as trouvé ce message. Je n’avais pas ton portable alors je me suis dit que le plus simple était de communiquer par là. Hier, pendant que tu étais à ta sauterie, un gars de la scientifique à chercher à te joindre. Je lui ai dit qu’on travaillait ensemble et demandé de quoi il s’agissait. Il m’a parlé du drone et de sa disparition un peu étrange. Puis, il a dit qu’il allait t’appeler, tu l’as peut-être déjà eu en ligne. En attendant, je me suis permis de faire quelques recherches dans le système informatique. J’ai cherché qui avait eu accès aux scellés dans les jours qui ont suivi l’arrivée du drone. Il y en avait des tonnes, alors j’ai filtré sur les venues dans des horaires inhabituels. Et là, bingo ! Un type de la DGSI est passé à 22 h, deux jours après l’arrivée du drone. Il s’agit d’Olivier Moreau. En espérant que cela te sera utile. N’hésite pas si tu veux passer dans le XVIIe, ça va être passionnant. »

Olivier Moreau. L’homme avait péri dans l’attentat. Soit beaucoup trop de monde se prétendait disparu comme Alix Klineman, soit quelqu’un avait utilisé son badge pour faire une visite aux scellés, afin d’en soustraire le drone. Les morts offraient des couvertures commodes.

Hector rumina encore un moment cette histoire de drone. Qui pouvait le renseigner sur la provenance d’un tel drone ? Est-ce qu’un expert ne pourrait pas le savoir immédiatement à partir de la photo de Paris Match ? Qui pourrait l’aider discrètement ? Il y avait bien un cousin, un pote de son frère. Depuis la mort de Yacine, il ne l’avait plus revu. Quel était son nom déjà ? Mohand quelque chose… Hector tenta de se souvenir. Le père de Mohand avait fait de la prison et ils l’avaient accueilli chez eux lorsqu’ils étaient jeunes, dans les périodes difficiles. Son père lui avait dit qu’il était en France maintenant, et qu’il avait une bonne situation, il était démineur, expert en explosif et passionné des armes, il était intarissable sur le sujet. S’il voulait l’interroger, il n’avait pas le choix, il devait honorer la promesse faite à Dîna et qui lui était sortie de l’esprit. Il allait devoir demander un service à son père. Et puis, après tout, PsIA lui avait dit qu’il devait s’appuyer sur ces proches, ce devait être un signe.

Il décrocha son téléphone, histoire de ne pas hésiter plus longtemps et lança l’appel. Son père ne décrocha pas immédiatement. Hector voulut renoncer, mais avant qu’il ne décolle son oreille du combiné, une voix inquiète, presque paniqué répondit, le « allo » d’une personne qui reçoit peu d’appels et qui se trouve surprise lorsque son appareil sonne, un « allo » faible et éraillée d’une personne qui reçoit un appel qu’il n’attendait plus. Hector perçut dans sa voix qu’il savait, avant même de décrocher qui l’appelait.

Il échangèrent quelques mots polis, comment tu vas, ça me fait plaisir de t’entendre, tâtonnant à la recherche d’une spontanéité et d’une complicité longtemps disparue. Son père baissa la garde en premier.

— Tu sais que je suis venu te voir pendant que tu étais dans le coma ? Je t’ai parlé. C’était plus facile pour moi.

— Parce que je ne pouvais pas te couper la parole ?

Rachid rit de bon cœur, Hector se détendit.

— Il y a de ça, tu as raison, poursuivit Rachid. Il y a des choses que l’on regrette de ne pas avoir dites, qu’on ne peut finalement dire que lorsque c’est trop tard.

— Ouais, mais je suis toujours là. Ça peut te donner une deuxième chance.

— Alors, tu me l’accordes ? Enfin ?

Hector avait répondu sans y penser et s’était fait piéger. Il ne voulut pas donner l’impression de reculer, surtout pas de paraître aigri ou rancunier.

— Oui, si tu me mets en contact avec Mohand. J’ai des questions à lui poser sur une affaire.

Il y eut un blanc, un silence qui n’en finissait plus. Hector demanda plusieurs fois s’il était encore en ligne. Enfin, il répondit.

— Oui, je vais faire ça, Hector. Il y a des choses, auxquelles je ne peux pas échapper.

Rachid l’avait appelé Hector, pas Kaîs. Il n’avait même pas hésité, c’était une première. Il se détendit.

— Je vais passer te voir. Avant la fin de la semaine, ça te va ?

— Tout me va. Je ne bouge pas beaucoup, tu sais.

Un signal résonna dans l’oreille d’Hector, il avait un autre appel, d’un numéro inconnu.

— Papa, il faut que je te laisse. On se voit bientôt. Je t’embrasse, ajouta-t-il après une hésitation trop perceptible et se mordit la lèvre.

Hector bascula sur l’autre appel sans attendre la réponse. Il entendit une voix d’enfant.

— Je sais où habite le gars que tu cherches. Si tu viens, tout de suite, je te montre.

C’était Milad. Il lui confirmait qu’il avait retrouvé la trace d’Alix Klineman et qu’il l’attendait au campement.

— Et ne traîne pas, avait conclu Milad, avant de raccrocher.

À suivre…


La dose de flow

Musique

ERA, connu pour le morceau Ameno, est un groupe qui surfe avec Enigma sur un style de musique un peu spéciale, une New Age qui émerge des années 80-90, une musique un peu gothique, électronique, avec des chants vaguement grégoriens et du latin de cuisine. Je pensais bien me marrer quand je suis tombé sur l’album récent « ERA Live Experience ». Et surprise, le résultat est de qualité ! Je me suis trouvé scotché par l’album et je l’écoute parfois pour écrire.

Alors, voilà, ce n’est pas pour tous les goûts, pas pour toutes les situations, mais vous pourriez être surpris vous aussi.

Je vous laisse avec le morceau Hurricane, qui a un petit parfum de comédie musicale.

Hurricane (The Live Experience)

À suivre

Une question que l’on me pose souvent. Alors quand est-ce qu’on aura droit à la fin de la Plaie ? Question difficile s’il en est. Pourtant, ça y est, je vois à peu près le fil pour arriver jusqu’à la fin. Et même si, polar oblige, le chemin sera sinueux pour les lecteurices, c’est pour moi assez direct, avec encore pas mal de choses à développer pour conclure chaque fil narratif proprement.

Je pense donc pouvoir mettre le point final sur le roman en début d’année prochaine, d’ici février-mars. Alors oui, j’ai bien conscience que cela peut paraître loin. Mais ne vous inquiétez pas, je vous promets (j’espère) que vous n’allez pas vous ennuyer en attendant.

Je vous souhaite un merveilleux week-end !

— mikl 🙏